416 feminicides à Abidjan, les enquêtrices révèlent les défis rencontrés sur le terrain (Interview)

   ONG CPDEFM est une organisation qui a pour but de promouvoir de les droits des femmes et lutter pour l’éradication des violences faites à celles-ci. Elle vient de publier une enquête sur les violences faites aux femmes dont les feminicides. Lemediacitoyen.com a interviewé deux enquêtrices de l’Ong. Ce sont Ramatoulaye Traoré, porte parole de l’Ong. Et Sylvia Apata, membre fondatrice. 

     Vous venez de mener une enquête sur les violences faites aux femmes dont les feminicides. Pourriez vous expliquer en quelques mots ce qu’il faut entendre par feminicides ?

   Ce qu’il faut entendre par Féminicide, c’est le meurtre d’une ou de plusieurs femmes / filles du fait de leur condition féminine.
Il existe 4 types de Féminicide.
-feminicide intime : commis par l’époux
-feminicide au nom de l’honneur : commis par un membre de la famille au nom des « coutumes et traditions »
-feminicide lié à la dot: commis par les membres de la belle famille
-feminicide non intime: commis par des personnes non intime de la victime.

     Votre enquête démontre que 416 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou partenaire intime au cours de ces deux dernières années à Abidjan. Quel commentaire faites vous de ces données ?

     Des femmes meurent chaque jour sous les coups de leurs conjoints et l’enquête démontre que les femmes subissent énormément de violences sur le Féminicide intime. Les actions menées permettront plus d’appel à l’action pour que ces violences ne restent pas impunies. Les victimes sont encore malheureusement sous l’emprise de leurs bourreaux et difficile pour elles de s’en défaire. Cette enquête montre que malgré les efforts consentis des mesures sont à prendre pour réduire sinon éradiquer ce Féminicide. Cela reste le crime le plus silencieux car difficile pour les femmes de délier leurs langues.

    Abobo est la commune en première position, soit 125 cas de feminicide. Quand on sait qu’Abobo est une commune populaire, y a t il un lien entre ce fait et les feminicides ?

    Étant une Commune populaire , cette commune est particulièrement sensible aux violences. L’objectif étant d’asseoir leurs domination, les membres de la famille se sentent obligées de faire pression sur les femmes par voie de violences. Ils vont même jusqu’à régler certaines situations à l’amiable. On peut déceler un lien entre le quotidien de la commune et les Féminicides. Les droits des femmes ne sont pas respectés et elles continuent de subir toutes formes de violences du fait de la domination patriarcale de leurs familles.

    Les auteurs de ces féminicides ont ils été inquiétés ?

       Nous avons eu à faire une enquête sur les VFF et il en ressort que les violences en CI on atteint un pic ou les actions doivent être une réalité. Les auteurs de ces Féminicides seront interpellés. Pour que les femmes puissent jouir pleinement de leurs droits, les violations ne doivent plus rester impunies. Notons également que les victimes ont peur de dénoncer et cela ralenti le processus juridique, parfois même se rétracte après avoir enclenché la dénonciation. Les bourreaux sont inquiétés mais le chemin est encore long si l’on veut prétendre à une effectivité de la justice et du respect des droits des femmes.

    Quels sont les défis auxquels vous avez dû faire face pendant la collecte de données, notamment sur la question des feminicides ?

    Les défis auxquels nous avons dû faire dans la collecte de données notamment sur les cas de féminicides sont :

– La difficulté pour les populations d’en parler ;
– Le fait pour certaines enquêtrices de subir des menaces des enquêté-e-s ;
– Le fait d’être mal perçue pour avoir à poser des questions sur ce sujet aussi tabou, ce sujet qui dérange.

  Quelle solution préventive préconisez vous face aux féminicides ?

Face aux féminicides, nous préconisons :

1- Que ce crime soit reconnu avec toute sa spécificité et punit comme tel au niveau législatif. Cela suppose qu’il soit inclus et validé dans le projet de Loi sur les Violences faites aux Femmes et aux filles ;

2- Que des actions préventives de lutte contre les violences conjugales, conséquences directes des féminicides soient menées auprès des populations et des acteurs/actrices intervenant dans la prise en charge. Cela doit se traduire par :
– Des campagnes de sensibilisation de masse et de proximité contre les Violences conjugales afin de susciter la prise de conscience des populations sur les conséquences de ce fléau ;
– Le renforcement de capacités des Officiers de Police Judiciaire (policiers et gendarmes) afin que les victimes de violences conjugales ne soient plus renvoyées des commissariats et gendarmeries comme cela est constaté sur le terrain ;
– La mise en place de Centres d’hébergement et de transit fonctionnel afin que les femmes qui sont perpétuellement battues dans les foyers ne soient plus obligées de s’y maintenir jusqu’à trouver la mort parce que n’ayant pas eu d’endroits où loger.

   Quelles sont les perspectives de votre organisation après la publication de ces données ?

    CPDEFM étant une Organisation qui s’est donnée pour vocation de lutter contre l’invisibilisation des violences faites aux femmes et aux filles par la documentation et la collecte de données en la matière mènera plusieurs études en Côte d’Ivoire sur la question.
Cette Organisation à laquelle j’ai apporté ma pierre d’édifice en tant que Membre Fondatrice continuera de garder la place qu’elle s’est faite au sein de la société civile ivoirienne. Ce, grâce aux efforts consentis de toutes ses membres fondatrices et de celles qui se la sont appropriées telles que Ramatoulaye Traoré.

Interview réalisée par
Lemediacitoyen.com

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