Analyse/Affaire masturbation sexuelle : pourquoi il ne faut ni rire ni pleurer ! / par Dr Paul Agoubli, enseignant

Les scandales de masturbation dans le cadre professionnel qui agitent dernièrement la Côte d’Ivoire, certes jettent à bon droit la société dans l’émoi, mais l’empire de la morale n’est pas le meilleur paradigme pour en apprécier l’ahurissante nouveauté. Car qu’est-ce qu’il se joue ? Le prochain bannissement de personnes lubriques ennoblies par des strapontins ? Mais qui peut jeter la première pierre dans ce cas ? Qui n’a jamais joui, la façon important peu ? 

Depuis le milieu des années 1970, le développement de l’informatique quasi concomitant aux réflexions sur l’après-moderne (faut-il lui associer l’après-industriel?) préfigure sinon le transhumain en tout cas une société (réseau de communication ainsi que le disent les sociologues et les fonctionnalistes (ce sont des mathématiciens)) de l’information comme on s’est plu à l’appeler dans le monde francophone. Le dernier avatar de ce transfert technologique, éthique mais assurément idéologique reste l’intelligence artificielle dont la guerre que se livrent Google et Huawei est le témoignage de l’implacable réalité.

Si l’on peut valablement penser que les logiques économiques, la volonté de puissance subsument cette bataille technologique, le cœur de cette course de fond est bien la lutte pour le contrôle des données (cet autre nom et visage de l’information sous l’ancien siècle) au centre de quoi se trouve logée la vie privée, l’intimité de chacun. À ce titre, cette guerre n’est pas si loin de nous en ce qu’elle menace le dévoilement (littéralement le fait d’enlever le voile) en ces termes les plus violemment intrusifs, à savoir le voyeurisme, la délation, voire l’entrisme.

Les scandales de masturbation dans le cadre professionnel qui agitent dernièrement la Côte d’Ivoire, certes jettent à bon droit la société dans l’émoi, mais l’empire de la morale n’est pas le meilleur paradigme pour en apprécier l’ahurissante nouveauté. Car qu’est-ce qu’il se joue ? Le prochain bannissement de personnes lubriques ennoblies par des strapontins ? Mais qui peut jeter la première pierre dans ce cas ? Qui n’a jamais joui, la façon important peu ? 
Sans connaître les conditions de la diffusion de ces vidéos pour savoir comment elles sont tombées dans le domaine public, on ne peut valablement accuser leurs héros d’exhibitionnisme car il n’est pas de leur fait que leurs faiblesses aient été connues. Ce sont peut-être des pervers mais certainement pas des exhibitionnistes.

Alors une question doit nous occuper : si ces hommes n’ont pas publié ces vidéos, qui l’a fait? Pourquoi? Surtout, sommes-nous à l’abri de tels dévoilements ? Avant, que les grands moralisateurs et experts nous ceignent de leurs conseils avisés, il faut peut-être faire connaître que même des systèmes de messagerie cryptée comme Whatsapp sont facilement hackés par des pirates y compris de simples curieux qui peuvent vous écouter, entrer dans vos données personnelles et prendre le contrôle de votre caméra que vous croyiez en sommeil. Cet exemple montre que désormais ce n’est pas le montrer qui est le problème, c’est le faire même qui n’est plus possible ; car tout ce qui est fait est susceptible encore une fois d’être dévoilé, or sommes-nous certains de pouvoir tenir le pari d’une vie sans tâche ? L’évidence de la réponse négative m’apparaît d’emblée. C’est du reste la raison pour laquelle l’union européenne et d’autres instances nationales (le Sénégal a créé en 2008, une instance pour la protection des données personnelles : CDP) comme supranationales se font les chantres de la protection des données personnelles, du droit à l’oubli, de la défense des lanceurs d’alertes… contre la prédation d’intelligences au service du Mal qui entendent tirer avantage par le chantage et l’espionnage informatique de cette arme à double tranchants que constitue le numérique.

Ayant considéré cette autre facette du problème, peut-être pourrions-nous appeler une plus grande attention de nos États sur la necessité de se protéger eux-mêmes et nous avec de sorte que l’Afrique ne soit pas comme toujours le terrain de jeu de l’impérialisme atavique des Hommes. En attendant, une anecdote pour conclure, on aurait reproché à Aristote d’avoir donné l’aumône à un homme méchant ; pour toute réponse il aurait eu ces mots : 《J’ai eu pitié de l’homme…, et non du caractère》 in poétique, Les classiques de poche, 1990, p.9. Cette phrase doit nous rappeler une autre célèbre sentence divine à propos du pécheur et du péché.

Par Dr Paul Agoubli, enseignant

lemediacitoyen.com 

 

 

 

 

 

 

 

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