Au secours! La jeunesse africaine se noie dans la méditerranée !/ Gisèle Doh

Jeunesse africaine se noie
La jeunesse africaine se noie toujours malgré la médiatisation des dangers (DR)

 Chaque année, des milliers de migrants en provenance d’Afrique, sont engloutis par la mer méditerranée, en tentant de rejoindre le continent européen. Ce phénomène malheureux n’est pas sans rappeler, que déjà au XVe siècle, des Africains étaient enlevés de leur terre, pour servir de main d’œuvre gratuite en occident.

Dans le cas récent, cette migration n’est à priori pas forcée. Mais ces jeunes quittent ils volontairement le berceau de l’humanité ? Lisons le récit de RM, (nom modifié par la rédaction) jeune ivoirien arrivé en Europe sur un bateau en provenance des côtes libyennes.

« L’horreur décrite est vraie …mais partir était la seule issue »

 « D’emblée, je peux vous dire que tout ce que vous voyez à la télé est vrai » fut sa première phrase.

 Que signifiait « tout » ?

« Les morts, les femmes enceintes, les enfants, L’horreur décrite est vraie. » poursuivit-il l’air grave.

 RM est né en Côte d’ivoire, dans une famille aux revenus modestes.

Après des études, qui l’ont mené jusqu’à la terminale, il voulut passer un concours administratif, pour rejoindre la fonction publique, afin d’avoir une garantie de salaire et aider sa famille.

Dire que le graissage de pattes, fait partie intégrante des concours en côte d’ivoire, serait divulguer un secret de polichinelle.

Son père refusant de se plier à cette exigence, RM alla d’échecs en échecs.

Tous ses efforts pour se faire une place au soleil restèrent vains.

C’est dans ce scenario sans issue, que l’Europe fit son apparition.

Des amis à lui avaient tenter l’aventure, et force était de constater que leur situation était meilleure à la sienne.

Il décida alors d’essayer la case Europe, à défaut de mieux.

Malheureusement, son chemin croisa celui d’un arnaqueur qui l’abandonna à son sort au Maroc.

Retourner dans son pays lui étant impossible, il prit la décision d’aller en Algérie.

 Là-bas, il entendit parler de la route maritime pour l’Europe. Réticent dans un premier temps, il finit par céder.

De son récit, il découle que le réseau des passeurs est très structuré

Si les candidats à l’exil n’ont pas l’assurance d’arriver à bon port, les passeurs eux sont assurés, de recevoir leur argent peu importe l’issue.

Le coût du périple :550 euros (qu’il mit un an à réunir) et RM n’était pas le seul.

Un vrai parcours de combattant

Ils rejoignirent Ghadamès en Lybie à pied, et firent ainsi leur entrée dans la clandestinité. Ils ne verront presque plus la lumière du jour, et seront transportés dans des coffres de voiture.

Premier escale, Tripoli, où s’effectue la transaction financière entre les Algériens et les Libyens.

Si toutefois le passeur algérien se dérobait à sa tâche, le piège libyen se refermait sur le migrant qui était réduit à l’esclavage.

De Tripoli, départ pour Sabratha, où ils furent logés dans un dépotoir avec des femmes enceintes, des enfants pendant deux semaines.

 « Les sanitaires étaient si délabrés et sales, que personne n’osait les utiliser. Pour toute nourriture, on avait du pain sec et de l’eau, moi je n’avais pas faim. Je priais pour quitter la Lybie vivant. Des consignes nous avaient été donnés Nous devrions rester à l’intérieur, car à l’extérieur, on risquait l’enlèvement.

Le jour J, on nous conduisit à la côte. On était une centaine à peu près.

Les passeurs demandèrent si quelqu’un parmi nous, était capable de piloter le bateau.

Un volontaire originaire de la Gambie se manifesta. Savoir conduire un bateau était un avantage car non seulement il garantissait une place, en plus le migrant ne devait pas s’acquitter des frais transport.

A la vue de la mer, un sentiment de peur m’envahit. Je ne savais pas nager. En cas de chute dans l’eau, mon sort était scellé. Confronté à cette éventualité, j’ai failli renoncer à mon projet, mais rebrousser chemin n’était plus possible.

En voyant que les femmes enceintes étaient les premières à prendre le bateau d’assaut sans avoir peur, je me suis dit que je ne pouvais pas me dégonfler. Je devais monter, et advienne que pourra.

Sur le bateau il régnait un silence pesant. Même les enfants étaient calmes. L’heure était grave et nous l’avions tous compris.

Le seul hic durant notre voyage, fut quand le moteur s’arrêta. Les réactions de panique manquèrent de faire chavirer le bateau.

La majorité n’avait pas fermé l’œil, Nous attendions la délivrance qui tardait à venir

Un bateau d’une ONG espagnole nous ayant repérés, vint à notre rescousse.

 Enfin sur ce bateau symbole de notre arrivée à bon port, les tensions se relâchèrent.

Nous y étions arrivés ! Nous étions vivants !

J’eu une pensée pour ma famille. J’avais envie de les avoir au téléphone pour les rassurer. »

“si c’était à refaire?… “

« Je ne saurai vous le dire, Je n’ai jamais imaginé dans ma vie rejoindre l’Europe en bateau, mais pris dans un engrenage, j’ai emprunté cette voie malgré moi.

Si j’avais eu du boulot, jamais je n’aurai quitté mon pays.

L’Europe est loin d’être l’Eldorado mais je continuerai à travailler dur. Mon rêve c’est de repartir au pays et faire des réalisations.

A tous ceux qui pensent à venir en Europe, je serai le dernier à les décourager mais je leur conseille d’éviter si possible la voie maritime car elle est vraiment dangereuse. »

Concrètement, que faisons-nous?

Croire que des individus soient prêts à affronter le monstre marin au risque de leur vie, sans avoir à le faire, c’est faire preuve d’un cynisme sans bornes.

Même si les chaines ne sont pas visibles, les contraintes n’en sont pas moins présentes, qu’elles soient économiques ou politiques.

Les campagnes de sensibilisation, les solutions que nous proposons, depuis notre tour d’ivoire pour soulager nos consciences, ne semble pas avoir un impact significatif sur ce fléau dévastateur.

Les chiffres de l’OIM (Organisation internationale pour les migrations) nous mettent face à notre impuissance à retenir notre jeunesse.

Les maux qui minent nos pays depuis les indépendances de façade ne sont pas non seulement pas combattus, mais entretenus par les régimes successifs. La corruption, la gabegie pour n’en citer que quelques-uns, et ils sont en partie ce qui pousse notre jeunesse à la fuite.

Quelles sont les solutions concrètes que proposent nos gouvernements ?

Que fait l’Europe à part s’ériger en forteresse ?

Que dire à notre jeunesse si rester ou partir ont pour finalité la mort ?

 

Une contribution de Gisèle Doh,

fondatrice de l’Association les racines du baobab

créatrice du blog boldhormones.com

Lemediacitoyen.com

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