Droits humains en Côte d’Ivoire : entre réformes progressistes et restrictions persistantes

 

    Le mardi 29 Avril 2025, Amnesty International a rendu public son dernier rapport sur la situation des droits humains en Côte d’Ivoire pour l’année 2024. C’était à Cocody au cours d’une cérémonie de lancement de son rapport annuel qui a réuni élus, Ong, représentants diplomatiques, partis politiques et organisations internationales. L’organisation dresse un tableau contrasté : des avancées notables dans certains domaines, mais aussi des inquiétudes persistantes concernant les libertés fondamentales, les droits des femmes, et les conditions de vie de certaines populations vulnérables.

Des réformes législatives encourageantes

    L’un des points positifs soulignés par Amnesty concerne la lutte contre la torture. La Côte d’Ivoire a adopté en juin 2024 une modification du Code pénal renforçant les peines pour les actes de torture commis par des agents de l’État. Cette initiative a été saluée par le Comité contre la torture de l’ONU comme un signal fort en faveur de la lutte contre l’impunité. De même, l’Assemblée nationale a étendu les conditions légales de l’interruption volontaire de grossesse, désormais permise en cas d’inceste — une avancée timide mais significative dans un pays où les droits sexuels et reproductifs restent un sujet sensible.

    Sur le plan environnemental, la Côte d’Ivoire a obtenu un prêt de 1,3 milliard de dollars du Fonds monétaire international pour accompagner sa transition énergétique et renforcer sa résilience climatique. Cette initiative marque une volonté de s’aligner sur les engagements environnementaux internationaux, malgré les risques d’endettement accrus.

     Des libertés sous pression

    Cependant, ces progrès contrastent avec une restriction persistante des libertés publiques.  La liberté d’expression et de réunion pacifique reste sévèrement encadrée, tant dans les textes que dans la pratique. L’article 183 du Code pénal, criminalisant la diffusion de «fausses nouvelles », continue de servir d’outil de répression. De même, les manifestations non déclarées sont toujours passibles de peines d’emprisonnement, comme l’ont montré les répressions violentes d’une marche contre la vie chère en septembre dernier à Abidjan. Le droit à la liberté d’association a également été fragilisé. Une ordonnance gouvernementale de juin 2024 impose désormais des obligations administratives accrues aux organisations de la société civile, tout en donnant aux autorités le pouvoir de les dissoudre sans procédure judiciaire. Cette mesure a été dénoncée par plusieurs ONG, qui redoutent un contrôle étatique renforcé de leurs activités.

    Une justice transitionnelle à l’arrêt

La quête de justice pour les victimes des violences postélectorales de 2011 reste un sujet douloureux. En mars, le Conseil d’État s’est déclaré incompétent pour examiner une requête contestant la loi d’amnistie de 2018, qui protège de nombreuses personnes accusées de crimes graves. Cette décision freine les espoirs d’accès à la vérité et aux réparations pour les victimes et leurs familles.

    Expulsions forcées : entre drame humain et timides engagements

Les autorités ivoiriennes ont poursuivi en 2024 une vaste campagne d’expulsions forcées dans les quartiers informels d’Abidjan. Si l’objectif annoncé est de réduire les risques d’inondation, la mise en œuvre soulève de vives critiques : absence de consultation, préavis insuffisants, manque de relogement ou d’indemnisation. Face à la pression, le gouvernement a finalement suspendu les opérations en novembre et promis des mesures  compensatoires.

    Femmes et enfants toujours vulnérables

    Malgré certaines évolutions, les droits des femmes restent mal protégés. L’article 403 du Code pénal, qui présume le consentement au sein du mariage, constitue une entrave majeure à la reconnaissance du viol conjugal. Quant aux enfants, ils continuent d’être exploités dans des conditions alarmantes, notamment dans les mines artisanales, l’agriculture et les foyers domestiques. Le rapporteur spécial des Nations unies sur l’esclavage a exprimé de vives inquiétudes à ce sujet.

    En définitive, l’année 2024 aura été celle de quelques avancées législatives importantes en Côte  d’Ivoire, mais aussi de nombreuses zones d’ombre. Les restrictions aux libertés fondamentales, les violences institutionnelles et la précarité sociale persistent, en particulier pour les femmes, les enfants et les personnes vivant dans les quartiers populaires.

    À un an de la présidentielle de 2025, la vigilance reste de mise pour garantir un environnement démocratique apaisé et respectueux des droits humains.

 

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La rédaction 

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