Pagne du 8 mars, Fatim Sylla, blogueuse : « valorisons les femmes qui tissent »

 A l’occasion de l’édition 2020 de la Journée Internationale de la Femme, la Blogueuse et responsable de l’association Allô bénévole, Fatim Sylla évoque des pistes de solution pour une bonne promotion de la femme en Côte d’Ivoire. Elle a réagi à la polémique autour du pagne du 8 mars

Quelle est votre appréciation de la promotion de la femme en Côte d’Ivoire ?

Chaque jour, des femmes s’efforcent de plus en plus pour s’en sortir. Qu’il s’agisse de cours d’alphabétisation, d’entrée dans des cycles de formations encore considérés comme réservés aux hommes, d’entrepreneuriat ou d’occupations de postes de responsabilités, les femmes ont plus d’audaces et parviennent à recenser plus d’hommes qui s’intéressent à leur cause. On compte aussi plus d’actions de l’ordre gouvernemental d’organisations privées et d’ONG qui n’hésitent pas à inciter. Vu l’écart à rattraper, cela demeure une goutte d’eau dans la mer.

Comment contribuez-vous à cette promotion à travers votre blog?

Je conseille, et motive les femmes à travers mon blog. En plus, j’ai une association nommée Allo Bénévole, qui me permet de me rendre dans les écoles et autres espaces publics pour sensibiliser sur les Infections Sexuellement Transmissibles (IST) et les grossesses précoces car le travail doit commencer à la base. Si un enfant ou une jeune fille sait se protéger des maladies et grossesses, elle a plus de chance de réussir sa scolarité et se faire une place dans ce monde encore très masculin. En dehors de tout ça, je travaille sur ma propre personne pour être un exemple pour les personnes plus jeunes ou ayant moins d’expériences que moi.

Y a -t-il des obstacles à la promotion de la femme ? Lesquels ?

Je ne saurai citer tous les obstacles tant ils sont nombreux. Parmi les plus récurrents, il y a les pesanteurs socioculturelles et préjugés. On continue d’entendre des propos comme : “Une femme ne doit pas faire de longues études. Elle ne peut pas tenir le rythme des séries scientifiques”.

Il y a aussi le manque de sensibilisation. Les jeunes filles scolarisées sortent du circuit scolaire du fait des grossesses, du mariage, des moyens financiers. On a moins de femmes dans le supérieur.

La rareté de politiques incitatives à la mise en valeur des femmes.

La réticence des hommes à participer à la lutte. Des hommes continuent à croire que la présence des femmes à tous les niveaux de la société constitue une usurpation de privilèges.

Le manque de confiance des femmes en elles-mêmes…

Quels rôles doivent jouer les femmes pour leur promotion ?

Elles doivent travailler et mériter chaque place qu’elles occupent. Aujourd’hui, malgré les multiples efforts, nombreuses sont celles qui choisissent encore le chemin de la facilité. Aucune femme ne doit accepter de vivre à la charge entière d’un homme. Vendons du pain, de l’eau glacée, ouvrons des maquis, occupons des postes de responsabilité dans les entreprises, mais ne restons jamais les bras croisés. 

Aussi pour celles qui ont de bonnes positions dans la société, aidons les autres à monter, ne les rabaissons pas à cause de nos positions privilégiées. Partageons nos connaissances avec celles qui savent moins. Il y a beaucoup de petits gestes du quotidien que chaque femme peut faire pour encourager et soutenir une autre. Chacune de ces petites actions prouvera notre unité et augmentera notre possibilité d’obtenir le meilleur de notre société.

Quel rôle doit jouer la société dans cette promotion?

La société doit mettre l’accent sur l’éducation. Les enfants doivent mériter le même traitement que ce soit à la maison ou à l’école sans exception. Les efforts des filles doivent être encouragés. Les moqueries à leur égard doivent faire l’objet de sanction.

Il faut motiver plus de femmes à poursuivre les études en leur accordant plus facilement des bourses d’études. Il faut sanctionner les auteurs de grossesses et avortements clandestins des mineurs. Puis encourager l’entrepreneuriat féminin en octroyant des formations sur des thématiques contribuant à créer des activités créatrices de revenus, en accordant plus de crédit directement aux femmes pour l’extension de leurs activités.

Comment la promotion de la femme peut être un atout pour une paix durable en Côte d’Ivoire ?

Une femme épanouie est source de paix dans la famille. Par ses actes, la femme a un impact positif sur son mari qui aura un bon rendement au travail et sur ses enfants qui prendront leurs études et formations au sérieux. La femme est au cœur de la stabilité familiale. Si les familles sont unies, les répercussions se manifestent sur tous les plans de la vie. Bien souvent les haines ethniques, sociales partent de la maison, du voisinage et se propagent peu à peu pour prendre des ampleurs insoupçonnées. 

Au-delà même du foyer, la femme a toujours eu un rôle de médiatrice en toute circonstance. En plus, elle est plus sujette à la compassion ce qui permet de parvenir plus facilement au pardon en cas de litige et à la cohésion sociale.

Les femmes ont-elles joué suffisamment leur rôle dans la préservation de la paix lors des crises successives qu’a connues le pays?

Oui, elles ont pleinement participé à la préservation de la paix. Souvenons-nous, elles étaient les premières à prendre leur bâton de pèlerins pour dire stop à la violence et prôner la paix autour d’elles. Les femmes ont été de tout temps des faiseurs de paix.  

Les femmes membres des organisations de la société civile et des partis politiques jouent-elles leur rôle pour la préservation de la paix? 

Elles sont de plus en plus nombreuses ses  femmes dans les Organisations de la Société Civile (OSC) garant des élections apaisées pour la préservation de la paix. Leur intervention est indéniable mais la seule vraie question est de savoir si elles sont écoutées et suivies. Elles gagneraient plus en occupant les réseaux sociaux et en communiquant autrement afin de mieux se faire entendre.

Au niveau des partis politiques, la femme ivoirienne n’a pas la place qu’elle mérite dans notre société. Les femmes militantes ne sont malheureusement pas dans les instances de prise de décisions. Elles ont pour la plupart des rôles ingrats. Et aussi le quota de représentativité n’est même pas respecté. Elles sont sous représentées.

Les commémorations de la journée internationale de la femme sont marquées par des discours, la confection de pagnes.  Qu’en pensez-vous ?

Ces actions ne sont pas insuffisantes. Pour l’achat des pagnes, je souhaite qu’on saisisse l’occasion pour valoriser le travail de femmes qui tissent le pagne.  Rien qu’en choisissant un pagne tissé chez nous, nous mettons en valeur un savoir-faire et par la même occasion le ministère de tutelle participe à donner de la dignité à ces femmes qu’il est censé protégé en créant ainsi une entrée d’argent.

En lieu et place des discours je préfère qu’on pose des actes concrets.

Les femmes disent qu’elles en ont marre de voir leurs enfants violés, qu’elles sont les mesures concrètes prises à ce niveau même si nous saluons la loi qui prévoit la prison à vie pour le violeur d’enfant.

Chaque minute qui passe, les droits élémentaires des femmes sont bafoués. Elles-mêmes ne connaissent pas suffisamment leurs droits. Des actions terrains concrètes doivent être menées pour les informer, les sensibiliser, les écouter, et les soutenir. 

Les femmes souhaitent bénéficier de plus de 3 mois de congés maternité mais il n’en est rien jusqu’à présent. 

Nous rencontrons les grossesses précoces en milieu scolaire.

L’accès à l’école pour les filles surtout dans les zones rurales doit devenir une réalité avec des mesures d’accompagnement.

Les viols commis sur les mineurs, les Violences Basées sur le Genre (VBG), les mutilations génitales féminines sévissent encore dans certaines régions.

Le taux élevé de mortalité pendant l’accouchement des femmes rurales qui n’ont pas accès à des soins primaires pendant la grossesse et surtout qui sont exposés si des complications surgissent.

Nous avons tellement de maux et pourtant ce jour malheureusement est devenu un jour de festivités quand il doit être une journée dédiée à la promotion de nos droits, à des actions concrètes à des appels forts. C’est vraiment une insulte.

Pour que la voix des femmes ait un impact dans la société que faut-il faire?

Nous sommes sous-représentées et pourtant il faut la majorité dans les instances de décisions. Nous devons être plus nombreuses en travaillant encore plus car aucune victoire n’est obtenue dans une position de confort. Les femmes doivent dire non aux “à peu près”. Nous devons donner de la qualité et réclamer justice quand il faut.

S’il y a 2 femmes sur 10 hommes, la majorité l’emportera toujours. Nous devons être nombreuses à occuper les postes de prises de décisions pour défendre nos droits.

Interview réalisée par

Marina Kouakou 

Lemediacitoyen.com

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