Libre Opinion/ Comme Lilian Thuram, il faut combattre le racisme à la racine/Gisèle Doh

LUKAKU © Jonathan Moscrop - BELGAIMAGE

   Lors d’un match de Série A à Cagliari en Italie, Une horde de supporters pousse des cris de singe à l’endroit du footballeur belge Lukaku. Le crime de ce footballeur? son taux de mélanine élevé, sa couleur de peau. Non, cette scène n’est pas tirée d’un livre d’histoire, ou d’un film de fiction. Elle se passe en 2019. Avant Lukaku, des joueurs comme Samuel Etoo l’international Camerounais ont eu droit à ce traitement.

    Malgré les condamnations quasi unanimes, les joueurs noirs sur les stades sont toujours victimes de quolibets racistes, sans que les auteurs de ces faits ne soient efficacement inquiétés. Dans le cas de Moise Keane, ces cris racistes furent même minimisés, par la fédération italienne de football, qui dans un rapport parlait de provocation, plutôt que de racisme.

      Certains ultras de milans ont essayé, de nous faire avaler une énorme couleuvre, en ce qui concerne Lukaku. Selon eux, ces cris serviraient juste à déstabiliser l’adversaire, mais en aucun cas, ils ne sauraient être racistes. Ahurissant non?

« Le raciste a un complexe de supériorité » Lilian Thuram

      Interviewé par un journal italien, Lilian Thuram ancien footballeur, pour expliquer le comportement de ces supporters racistes, évoque leur complexe de supériorité lié à une histoire. Cette affirmation sortie de son contexte et montée en épingle, a suffi pour provoquer un tollé général. En dépit de ses explications de texte sur différents plateaux, la tempête provoquée n’est pas prête de se calmer.L’avalanche de réactions ne s’est pas faite attendre. Lilian Thuram était coupable de racisme anti-blanc. Mais, au risque de décevoir les gens à l’indignation sélective, Lilian Thuram sait de quoi il parle, quand il évoque cette supériorité imprégnée dans la culture du blanc. Il a étudié le sujet depuis belle lurette et a même mis en place une association https://www.thuram.org/ dans le but d’éduquer et combattre les stéréotypes, avec pour seule arme, la pédagogie. Loin d’être raciste, il n’a fait que rapporter les faits comme ils sont.

   Le Racisme, une déclinaison de la hiérarchisation des races

       Le racisme n’est pas apparu de façon soudaine, il a bien une histoire. Les archives littéraires ou scientifiques regorgent de « chef d’œuvre » racistes, qui ont contribué, à reléguer le noir au bas de l’échelle. Il n’y a qu’à lire « l’inégalité des races » d’Arthur Gobineau, pour se rendre compte de l’ampleur du mal. Et il n’y a pas que lui. Des recherches à forte orientation raciste menées par des scientifiques, et des « esprits éclairés » de renom ont conclu, que le noir était le chaînon manquant. Ces démonstrations racistes, et subjectives sont la base de la hiérarchisation des races. Sous couvert de science, le noir a été déclaré subalterne, ce qui a permis au blanc d’acquérir une supériorité. C’est au nom de cette supériorité que l’esclavage s’est fait. Cette supériorité fut aussi l’argument pour la colonisation. C’est au nom de cette supériorité, que les noirs durent abandonner leur culture et traditions, pour adopter celle du colon. C’est toujours elle qui permet de nos jours, que des intellectuels puissent trouver, que la colonisation fut positive pour le continent africain.

Lilian Thuram © P. Lahalle L’Équipe

          Elle a longtemps régi les relations entre les noirs et blancs, et a eu le temps faire son bonhomme de chemin dans les différents esprits. Même les plus érudits des intellectuels noirs, ne manquaient de faire pérenniser ces fausses idées à leur insu. La fameuse phrase du talentueux Senghor “la raison est hellène, l’émotion est nègre” en est l’illustration. Elle est ressortie lors des débats par de nombreux africains contre des africains, sans qu’ils aient la moindre idée qu’ils font ainsi, l’apologie du racisme scientifique. Tout raisonnement logique a été longtemps dénié au noir, dans l’intention de justifier sa servitude.  Le plus triste est, qu’on a fini par le convaincre lui-même du bien-fondé de cette démarche. Ces séquelles laissés par ce racisme scientifique, sont bien présentes de nos jours. L’image de cette Afrique pauvre, qui tend la main n’est pas faite pour arranger les choses. Les cris de singe à l’endroit de joueurs noirs, ne sont qu’un prolongement de ce complexe de supériorité.

    « Arrêtez de ressasser le passé ! Le racisme c’est fini ! »

           D’aucuns se demandent si on en fait pas trop à ce sujet. ”ce ne sont que des cris d’animaux” disent-ils.On aurait pu penser pareille chose, si décrire le noir de façon simiesque, n’avait pas été une des bases du racisme scientifique. Nous sommes tous égaux, certes, mais il ne suffit pas d’ordonner la fin d’une chose pour qu’elle disparaisse. Des injustices construites sur des thèses ne se volatilisent pas par enchantement. Ces thèses ont été plantées comme des graines, et ont eu le temps de germer. Il suffit de sortir de sa bulle, pour savoir que le noir n’est toujours pas traité en égal. Il doit montrer patte blanche pour être accepté, faire deux fois plus que le blanc, et nul besoin de mentionner qu’on attend de lui une exemplarité hors pair. Dans la vie de tous les jours, être noir n’est pas de tout repos. Et même quand on excelle dans son art comme Lukaku, on n’est pas à l’abri d’être “remis ”à sa place. Pousser des cris de singes à la vue d’un noir, ravive non seulement des plaies d’un passé récent, mais nous fait comprendre que les progrès au sujet de l’égalité des hommes, ne sont que de façade.

        Le racisme est un fléau qui mine notre société, et pour l’éradiquer il faudra s’attaquer à la racine. Lilian Thuram a crevé l’abcès et l’odeur répugnante incommode sans doute, mais c’est une étape nécessaire. Détourner le regard, se boucher le nez, faire la vierge effarouchée ne contribueront ni à faire avancer les choses, ni à nous faire taire. Beaucoup se permettent de faire des raccourcis racistes de nos jours par ignorance. Nommer les choses ce n’est pas faire du racisme anti-blanc. Ce racisme anti-blanc, si toutefois il existait, est bien loin du racisme dont les noirs sont victimes.

       Chers caucasiens, Il est sans aucun doute très désagréable d’être indexé dans des fêtes par des noirs, ou d’essuyer des remarques sur votre couple mixte, mais sachez que les noirs vous envient ce traitement. Eux, du fait de la couleur de leur peau, manquent de se faire lyncher, se voient refuser des boulots, des appartements, ou doivent se justifier en permanence. Jamais des scientifiques noirs n’ont développé de théories comparant la race blanche à un animal, pour justifier une quelconque exploitation. Alors évitons de comparer l’incomparable. Thuram n’a fait que dire la stricte vérité et si elle dérange, rejoignons son combat et éduquons les générations à venir pour une vraie égalité. En passant, nous tenons à vous rassurer que nous ne prenons pas plaisir à aborder la thématique du racisme, nous sommes fatigués d’avoir à en parler. Il aurait été plus relaxant d’écrire un article sur la reproduction des hippocampes, mais malheureusement, les inégalités flagrantes dans la société dans laquelle nous vivons, ne nous laisse pas le choix.

       Soutien total à Lilian Thuram !

Une contribution de Gisèle Doh,

fondatrice de l’Association les racines du baobab

créatrice du blog boldhormones.com

Lemediacitoyen.com

 

 

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