Libre Opinion/ Du bleu pour couvrir le rouge du sang soudanais

Le peuple soudanais débout, comme un seul homme, affiche sa défiance aux militaires qui le réprimande brutalement. (ph: UMIT BEKTAS)

Le 03 Juin 2019 ,nous avons tous été confrontés à l’horreur d’une dictature se mettant en place. La manifestation pacifique des soudanais a été réprimée dans le sang par la junte militaire. Bilan plus de 100 morts sans compter les viols et les rapts.

#Blue for Sudan

La réponse à cette barbarie fut la naissance de l’hashtag #Blue for Sudan. Les réseaux sociaux se revêtirent de drap bleu, pour soutenir les braves soudanais.

Et pourtant quelques semaines plus tôt, dans ce fast Food médiatique et le suivisme qui en découle, nous avions célébré la destitution de Omar Al-Bashir ,qui sonnait croyions nous naïvement la fin des tracas du peuple soudanais. Et puis, nous trouvâmes rapidement autre chose à nous mettre sous la dent.

Pendant que nous vaquions à nos occupations, les Soudanais eux, étaient sur leur garde car comme le dit le proverbe “qui a été mordu par le serpent, se méfie du ver de terre.” Bashir avait été mis hors d’état de nuire certes, mais le pouvoir n’était pas encore aux mains des civils condition sine qua non ,pour accéder à la démocratie.

Révolution de sensibilisation (awareness)

Pour faire plier les militaires, une révolution de sensibilisation s’est mise en place. Le peuple soudanais débout, comme un seul homme, affiche sa défiance aux militaires qui à court d’arguments, le réprimande brutalement.

Comment comprendre cette schizophrénie des militaires qui massacrent un peuple qu’ils prétendaient soutenir?

La soif du pouvoir sans doute ? Et si on donnait la parole aux Soudanais, histoire d’y voir plus clair ?

La Parole aux soudanais

Mugtaba Bandas a 25 ans. Il a fait ses études d’ingénierie à l’Université du Soudan pour les Sciences et la Technologie de Karthoum et a obtenu son diplôme en 2015. L ‘année dernière (2018), il a dû se rendre aux Emirats Arabes, faute d’avoir pu obtenir un travail au Soudan.

Pour la première fois, il est hors de son pays pendant une révolution. Le soudan a connu plusieurs mouvements de résistance.  Mugtaba a participé à ceux de 2013 et 2016.  Ne pouvant se contenter d’être spectateur, il est actif sur les réseaux sociaux 24h/24h ,pour partager, relayer les informations. Depuis la révolution égyptienne, on sait que les réseaux sociaux peuvent être un levier non négligeable pour faire bouger les lignes. Ce n’est pas fortuit si l’internet a été coupé au Soudan. # internet blackout sudan.

Je l’ai repéré grâce à son dynamisme en ligne. Et il a sans hésiter accepté de répondre à mes questions.

 Le frère de Mugtaba a fait un tour dans les geôles soudanaises il y a quelques semaines avant d’être relâché.

« Les militaires et Omar al-Bashir sont les deux faces de la même pièce. Ils l’ont juste renversé pour s’emparer du pouvoir et non en soutien au peuple », clame Mugtaba. « Nous ne sommes pas dupes et ne les laisserons pas faire », poursuit-il.

« Nous ne voulons ni de Bashir , ni de ses sbires.  Le peuple soudanais ne fera pas de compromis sur ses droits fondamentaux. »

De ma conversation avec Mugtaba ressort la détermination du peuple soudanais. Un peuple fatigué de la dictature que ni les viols, ni les rapts , ni les meurtres ne sauraient  arrêter dans sa  recherche de liberté.

« C’est une révolution pacifique… pour obtenir justice »

« Il est important de souligner le caractère pacifique de ce mouvement » martèle Mugtaba Malgré les brimades, nous ne répondrons qu’avec la paix pour seule arme. « Le sang du peuple soudanais a déjà assez coulé et nous ferons tout pour éviter qu’il ne coule davantage. »

“Quand un manifestant ose brandir une pierre, il est mis à l’écart poursuit Mugtaba .Face aux armes, nous répondons avec des fleurs. Le changement se fera dans la non-violence.

À la question de savoir ce que le peuple soudanais attend de cette révolution, il répond: « La justice, la démocratie, la paix c’est une révolution de sensibilisation(awareness) .Le peuple ne veut plus de régime militaire et veut pouvoir décider de son destin en toute liberté. Nous n’avons pas tenu tête à Omar al-Bashir pour en arriver là. »

Soutenir la révolution soudanaise

La cause est tellement noble qu’on a qu’une envie, y participer. Mais comment ?

 « Tout le monde peut aider à sa façon en se faisant l’écho de la situation, en partageant les informations relatives à la révolution, en sensibilisant son entourage au sort du peuple du soudanais » affirme Mugataba

« Nous sommes touchés par les soutiens que nous recevons du monde entier. Nous espérons que cela continuera. Nous, de notre côté nous ne baisserons pas les bras. Même s’il ne reste plus qu’un seul soudanais sur la planète, il portera le flambeau de la révolution », ajoute Mugtaba.

Mugtaba a tenu à préciser qu’il ne désirait pas prendre de place dans cet article. J’ai dû insister pour mentionner son nom. Ce n’est pas par crainte de représailles car “entre la mort et perdre son âme “son choix ne souffre d’aucune ambigüité. Mais plutôt parce qu’il veut que la lumière soit faite sur la révolution. « Je veux qu’on parle de la révolution, c’est elle la star. Je ne dois lui faire aucune ombre. C’est la révolution qui doit faire l’objet d’attention et non ma personne », conclut-il.

Le Soudan, notre bien commun

Nos yeux ne doivent pas se détourner du sort du peuple soudanais.

Le voir libre doit nous concerner tous. Le soudan est notre bien à tous.

En se plongeant dans l’histoire dense de ce pays, on comprend qu’il doit occuper une place de choix dans le cœur de tout africain.

Anciennement Nubie, ce grand pays d’Afrique, pas seulement à cause de sa superficie, mais aussi son histoire, a abrité la partie la plus glorieuse de la civilisation noire. De son sein a émané les plus grands royaumes : Kush, Kerma, Napata, Meroe, une dynastie de pharaons noirs comme Piye, Taharka et une lignée de candaces les fameuses reines guerrières.

La civilisation meroitique était très avancée, avec un modèle d’égalité hommes-femmes, à faire pâlir les féministes des temps modernes. Les femmes avaient le droit de diriger, au même titre que les hommes. Grâce à ce système, de grandes reines comme Amanirenas ont pu voir le jour. Cet article ne suffira pas à couvrir l’histoire riche du soudan .Ce n’est qu’une ébauche pour montrer que le Soudan est le berceau de notre civilisation longtemps niée . Soutenir ce pays c’est aussi protéger notre héritage .

Contribuer à une issue heureuse de la révolution en diffusant les informations est notre devoir à tous. Le sang des soudanais ne doit pas couler en vain.

Portons leur voix !

Ensemble soutenons les !

C’est Mon soudan, Ton soudan, Notre Soudan.

#ImTheSudanRevolution
#Watch_sudan_in_30june
#Internet_blackout_in_sudan
#BlueForSudan
#civil_disobedience_in_sudan

Une contribution de Gisèle Doh

Lemediacitoyen.com

 

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