Marc Gbaffou : « Notre plaidoyer pour une représentation de la diaspora au parlement » (Interview)

Marc Gbaffou
Marc Gbaffou

    Marc Gbaffou est Ingénieur. Il est surtout le Président du comité de pilotage pour la campagne d’information, de sensibilisation et de plaidoyer sur la nécessité d’élire des représentants des ivoiriens de la Diaspora au parlement de notre pays. 

  Depuis combien d’années êtes-vous hors du pays ? 

   J’ai quitté la Côte d’Ivoire en 1997. Mais pendant toutes ces années, je vais régulièrement au pays, je soutiens les membres de la famille comme il se doit. Je suis avec beaucoup d’intérêts la situation socio-politique du pays. J’ai un lien que je qualifierais de très étroit avec mon pays la Côte d’Ivoire.

   Vous avez mis en place un comité de pilotage. De quoi s’agit il ? 

    Il s’agit du comité de pilotage pour la campagne d’information, de sensibilisation et de plaidoyer sur la nécessité d’élire des représentants des ivoiriens de la Diaspora au parlement de notre pays. 

     Le travail du comité de pilotage est d’attirer l’attention des autorités sur un besoin impérieux au 21 siècle et plus précisément en 2021. Ce n’est plus une question de choix. C’est une situation qui s’impose à notre pays. Nous demandons aux autorités d’avoir cette volonté politique.

Marc Gbaffou
Marc Gbaffou

  Aujourd’hui, les autorités comprennent très bien l’impact positif de l’apport de la Diaspora. Pour optimiser cet apport, il nous faut des représentants choisis au sein de la Diaspora, qui connaissent leurs différentes communautés, et maitrisent les défis auxquels les ivoiriens de l’Extérieur font face. 

    Justement, vous proposez une représentativité de la Diaspora à l’assemblée nationale. Qu’est-ce qui motive cette proposition ? 

    D’abord je voudrais profiter de cette question pour dire que le projet en question est le fruit de la réflexion de plusieurs cadres Ivoiriens de la diaspora. Comme dans toute structure il faut un leader, j’ai eu le privilège d’être porté à la tête du comité de pilotage.

    La proposition de désigner des députés et sénateurs de la Diaspora répond à un besoin d´équité et de justice. Pour tout ce qu´elle représente au plan socio-économique de même que démographiques. La réalisation de celle-ci relève d’un devoir de justice à l’égard de la Diaspora; en même temps une exigence démocratique.

    Il est difficile de comprendre que la Diaspora Ivoirienne ne puisse pas compter dans les discussions politiques de notre pays. Cela ne peut être normal, avec ce que représente la Côte d’Ivoire dans la sous-région Ouest-Africaine et dans le Continent. Certains pays comme l’Algérie, la Tunisie, le Sénégal pour ne citer que ceux-là, sont bien avancés dans ce domaine. Il est même un peu surprenant en ce qui concerne la Côte d’Ivoire que les différents gouvernements qui se sont succédé ne songent pas faire porter la voix de la Diaspora.

    C’est pour dire qu’après l’amertume de voir les mêmes erreurs se répéter dans l’histoire de notre pays depuis 1960, au sein de l’ensemble des partis politiques existants, au prix de guerres civiles fratricides dont la Côte d’Ivoire ne semble pas se sortir, la Diaspora ne souhaiterait pas être oubliée.

    Sentez-vous vos aspirations prises en compte dans votre pays d’origine ? 

  Actuellement, nous avons le sentiment d’être des orphelins. C’est donc un cri de cœur pour dire que nous existons. L’ironie, c’est que les autorités viennent vers la Diaspora chaque cinq ans pour nous demander d’aller voter lors des élections présidentielles. Nous ne saurons continuer d’être utilisés comme un bétail électoral. Nous représentons un potentiel qui pourrait mieux servir notre pays si nous avons des représentants directs aux instances politiques que sont l’Assemblée Nationale et le Sénat.

     À travers le comité de pilotage, la Diaspora ivoirienne a donc décidé de mener cette action noble, d’interpeler le gouvernement, l’assemblée nationale, le Sénat, les partis politiques, les associations des droits de l’homme, les syndicats, les associations des femmes, les associations des jeunes, la société civile ivoirienne en général.  L’objectif est de présenter à toutes les parties prenantes la nécessité de faire élire des représentants de notre pays dans les deux chambres du parlement ivoirien. Nous souhaiterions utiliser cette opportunité pour dire que notre objectif n’a rien à voir avec les guéguerres politiques installées dans le pays pendant plusieurs décennies. Le comité de pilotage souhaiterait donc rester en marge, des interprétations politiques afin de contribuer inclusivement à la construction de la Côte d’Ivoire.

 Il existe déjà des structures étatiques pour les ivoiriens de l’extérieur.   Ministère, Ambassade et autres. Pourquoi une place pour ces derniers dans le parlement, ces structures ne comblent-elles pas ?

      Les cadres institutionnels existant assument un rôle de gestion administrative, de protection, de promotion économique des migrants ainsi que la prise en charge de leurs préoccupations.

      Ces députés et Sénateurs devront rendre compte périodiquement aussi bien à leur électorat qu’à l’Etat de Côte d’Ivoire. Cela sera au cœur de notre charte de bonne gouvernance pour défendre nos intérêts à l’Assemblée Nationale et au Sénat. Ce serait une erreur d’oublier que même en étant dans la Diaspora, nous restons des ivoiriens, ce qui signifie que nous nous intéressons aux problèmes généraux et nationaux de notre pays.

     Et notre mérite serait d’apporter des éléments nouveaux et enrichissants à la Côte d’Ivoire.

   Comment devrait se réaliser concrètement votre proposition ? Le député de la Diaspora se reposera-t-il sur un suppléant sur place ?

 Le député ou Sénateur de la Diaspora sera un parlementaire international et devra être aussi considéré comme un diplomate non-gouvernemental. 

   Dans son pays de résidence, il est en contact régulier avec ses compatriotes ivoiriens et du pays local. Il a des droits et des devoirs et comme tel ne sera pas lié au devoir rigide de réserve auquel sont astreints nos diplomates gouvernementaux. Il aura la largesse d’intervenir publiquement sur les questions locales, internationales et à celles relatives à la gestion interne des immigrés et à la coopération économique, social, touristique et culturelle entre son pays de résidence et son pays d’origine.

 Cette action diplomatique non-gouvernementale aura un impact pour notre pays et nécessitera naturellement une bonne symbiose avec nos diplomates institutionnels citées plus haut. Enfin, si cette action aboutit, ce serait surtout un grand signe de modernité et de démocratie pour notre pays.

      Qu’attendez vous des autorités ?

    En s’appuyant sur les exemples Français en Europe et Sénégalais, Algérien et Tunisien en Afrique, les Ivoiriens de la Diaspora, plaident pour leur intégration effective dans le processus de la gestion des affaires de leur patrie, par une représentation à l’Assemblée Nationale et au Sénat, à travers l’élection ou nomination de leurs représentants.

     D’autant que, les Ivoiriens de la Diaspora, c’est-à-dire des Ivoiriennes et Ivoiriens qui ont dû quitter leur pays pour des raisons fondamentalement économiques, mais aussi sportives, éducatives, sociales, culturelles, religieuses et politiques, ont également leur partition à jouer dans la gestion des affaires de leur pays. Concrètement, nous recherchons l’accord de principe des autorités pour faire élire et nommer les représentants de la Diaspora. Nous avons certainement deux possibilités qui s’offrent à nous : Soit le Président de la république prend une ordonnance ou alors la deuxième option serait que les députés votent une loi pour faire élire et nommer ces représentants.

Marc Gbaffou
Marc Gbaffou

     Une fois la formule trouvée, nous travaillerons avec les différentes parties prenantes pour définir ensemble une plage de temps raisonnable pour ces élections. Nous sommes bien conscients que nous avons un certain nombre d’activités à mener pour que le choix de ces parlementaires soit démocratiquement acceptable et crédible vis-à-vis de l’ensemble des ivoiriens.

    Mais en toute sincérité, c’est un projet qui ne saura attendre plus d’un an. Cela sera incompréhensible par l’ensemble des ivoiriens de la Diaspora.

   Ces députés et Sénateurs participeront eux-mêmes aux différentes sessions parlementaires. 

    L’idée est de pouvoir porter la voix de sa circonscription électorale directement à l’Assemblée Nationale ou au Sénat. L’Assemblée Nationale, chambre basse dont les membres, les honorables députés sont élus au suffrage universel direct pour un mandat de cinq (5) ans, et le Sénat : dont les deux tiers (2/3) des membres, les sénateurs, sont élus au suffrage universel indirect pour un mandat de cinq (5) ans, avec la nuance qu’un tiers (1/3) des membres ici sont nommés par le président de la République.

    La Diaspora étant diversifiée, comment intégrer tous à travers la représentativité au parlement ?

   Ces ivoiriens, dans leur grande majorité vivent dans des pays caractérisés par un niveau de démocratie élevée et certains parmi eux ont milité dans des organisations de défense des minorités et de la lutte contre le racisme ou la xénophobie et c’est pour dire aussi que leur rôle ne se limitera pas seulement dans le siège du parlement, mais on espère d’eux aussi qu’ils apportent des engagements et des concepts nouveaux sur le plan social national. 

      Leur mission de défense de nos émigrés devra dépasser le cadre restreint de l’Assemblée nationale ou du Sénat et comme tous les hommes publics, devra être accompagnée d’interventions et d’actions de lobbying sur le plan économique, culturel et social national. 

   Actions sans lesquelles il serait dommage de défendre les intérêts de sa base située à des milliers de kilomètres. Ils sont de la Diaspora et l’erreur serait commise aussi d’oublier qu’ils sont ivoiriens et ce qui signifie qu’ils sont bien sûr intéressés aux problèmes généraux et nationaux de notre pays. Et leur mérite serait d’apporter des éléments nouveaux et enrichissants pour notre pays. Le député de la Diaspora sera un parlementaire international et devra être aussi considéré comme un diplomate non-gouvernemental. Dans son pays de résidence, il est en contact régulier avec ses compatriotes ivoiriens et du pays local. Il a des droits et des devoirs et comme tel ne sera pas lié au devoir rigide de réserve auquel sont astreints nos diplomates gouvernementaux. Il aura la largesse d’intervenir publiquement sur les questions locales, internationales et à celles relatives à la gestion interne des immigrés et à la coopération économique et culturelle entre son pays de résidence et son pays d’origine.

     Quel en sera l’impact?

 Cette action diplomatique non-gouvernementale aura un impact pour notre pays et nécessitera naturellement une bonne symbiose avec nos diplomates institutionnels. Et la réussite de cette nouvelle figure dépendra naturellement du profil, de la compétence et des caractères des personnes qui vont l’incarner.

     Quelles sont les chances pour cette idée de prospérer ?

   Les autorités ivoiriennes ont lancé un dialogue nationale qui est en cours et qui devrait être sanctionné par une réconciliation de tous les fils et filles du pays. Nous sommes tous d’accord pour dire que les différentes crises dans notre pays d’origine impactent directement les membres de la Diaspora. Des compatriotes se méfient les uns des autres. Certains se regardent en chiens de faïences. Ils ne peuvent donc rester en marge de la réconciliation nationale. Toutes les négociations ou décisions politiques devraient être inclusives donc prendre en compte les ivoiriens de l’extérieur.

    Il est clair que la Diaspora ivoirienne mérite d’être représentée aux instances de décision, y compris à l’Assemblée nationale et au Sénat. Et ceci , compte tenu de l’apport significatif dans l’économie du pays : plus de 190 milliards de FCFA et de son rôle de régulateur social. 

   L’existence des institutions administratives du pays ne rend pas inopportune la désignation de ces représentants qui devront assumer une autre fonction, un rôle dévolu à des représentants du peuple. Ce projet inédit, pourrait être inscrit dans une réconciliation inclusive des fils et filles de la nation. Ces députés et Sénateurs de la Diaspora seront en effet les portes voix d´une communauté hétérogène qui rencontre des problèmes communs ou adaptés à leur contexte à la fois dans les pays ou continents d´accueil et d´origine.

   Cependant, ce qui reste à matérialiser c´est de faire d´eux des acteurs qui agissent et parlent pour leur communauté. Il s´agit d´accepter de par leur expériences professionnelles diverses, du capital humain et financier dont ils disposent de les écouter pour donner leur avis dans la conduite des politiques qui les concernent en premier lieu. Dans le contexte actuel, la participation au développement national de la Diaspora ivoirienne n´est plus à démontrer. L’implication des ivoiriens de l’extérieur doit se comprendre et se justifier comme une légitimation de l´apport remarquable de la Diaspora dans le développement de notre pays qui de par les solidarités individuelles et collectives contribue largement à la stabilité, à la cohésion et à la paix sociale de notre patrie.

   Au niveau du comité de pilotage, nous nous donnons les moyens de faire connaître et aboutir cet important projet. Nous rentrons en contact avec les autorités et institutions requises dans ce sens. Ce ne sera peut-être pas facile mais nous ne baisserons pas les bras. 

Interview réalisée par Délorès Pie 

Lemediacitoyen.com 

Lire aussi:
  « S’unir pour la Côte d’Ivoire », une nouvelle faîtière d'Ivoiriens de la diaspora 

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*