Massages thérapeutiques, le sacerdoce d’Anaïs Angoran, praticienne de la médecine traditionnelle chinoise (Dossier)

massages thérapeutiques
Toux, diarrhées, constipation, maux de tête, fièvre : ces massages permettent de soulager les petits maux récurrents du quotidien, selon Mme Angoran

    Massages thérapeutiques. Aiguillonnée par son projet dénommé « Gestes Santé », Anaïs Angoran, thérapeute en médecine traditionnelle chinoise parcourt la Côte d’Ivoire afin de vulgariser des techniques de massages à l’endroit des enfants.

 

     « J’ai été choquée de voir l’état dans lequel se trouvait le pays. Il y avait eu une grosse crise à l’époque. Et c’était surtout les centres de santé qui m’avaient interpellée puisque j’étais dans le domaine. (…) Je me suis dis que j’avais le devoir de faire quelque chose pour mon pays. Ce pourquoi j’ai décidé de mettre en place ‘’Gestes Santé’’».

     En 2007, lorsqu’Anaïs Angoran retrouve sa Côte d’Ivoire natale après 4 ans d’absence, c’est la douche froide. Elle est transie de « tristesse » face à l’état de déliquescence des centres de santé dans le pays, et la difficulté d’accès aux soins des populations.

      Soucieuse d’apporter sa modeste pierre à l’édification de son pays. Dès 2010, avec le projet « Gestes Santé », la thérapeute en acupuncture et massage traditionnel chinois élabore des cahiers de massage [cahiers dans lesquels les techniques de massage sont consignées en images] -, et décide de parcourir les villages et certaines communes d’Abidjan afin de vulgariser ces gestes. « J’ai créé ces cahiers de massage pour que les femmes n’oublient pas les gestes à faire suivant les petits maux du quotidien. » Une initiative louable qu’elle met en branle avec ses deniers personnels, et le soutien de proches. « J’ai sollicité l’aide d’amis. Et ils m’ont donnée des coups de main. Certains ont financé la photocopie des cahiers de massage. D’autres m’ont donnée des bons d’essence et ont mis à ma disposition des voitures afin de pouvoir mener à bien ce projet. »

Barrières linguistiques

     Anaïs Angoran parcourt d’emblée plusieurs communes de la capitale économique ivoirienne, afin de distiller ces techniques de massages. Mais le cœur de cible de son action demeure la province en raison de la situation plus préoccupante des hôpitaux. « Vu les nombreuses difficultés des centres de santé d’Abidjan, je me suis dis que ça devrait être plus difficile à l’intérieur du pays. Je pensais notamment à toutes ces mamans qui sont dans des hameaux reculés (…). Je me suis demandé : ‘’comment font-elles quand elles ont un enfant qui a par exemple le paludisme ? ‘’. Car un enfant qui a le paludisme a souvent des maux de tête, des diarrhées, des vomissements etc., et les massages peuvent diminuer l’intensité de ces symptômes. Les massages permettent d’éviter une trop importante déshydratation de l’enfant. Et quand il arrive à l’hôpital pour se faire soigner, il est en meilleure forme. Ce sont toutes ces problématiques qui m’ont poussée à lancer ce projet. »

     De Tiassalé à Assinie, en passant par Binao, la praticienne a ainsi sillonné plusieurs localités de l’intérieur du pays avec une constante. Nombre de ces femmes rencontrées connaissent plus ou moins ces techniques de massage. Ce qui facilite le travail d’apprentissage. « Quand je pratique ces massages certaines femmes me disent : ‘’moi ma maman, ou ma grand-mère me massaient aussi comme ça’’. Ce sont des techniques universelles. Ce sont des méthodes que nos grand-mères pratiquaient mais cela s’est un peu oublié avec la modernité. Donc c’est très facile pour elles d’apprendre ces massages, explique la thérapeute. L’enjeu « c’est surtout de leur expliquer pourquoi tel massage à tel moment. Car elles n’ont pas forcément ces réponses. »

    Un périple thérapeutique ponctué par des barrières linguistiques car « certaines femmes ne comprennent pas toujours ce que je dis donc je me répète beaucoup. On parle avec les gestes, confie-t-elle. Je fais aussi l’effort d’utiliser un langage plus terre à terre afin d’être mieux comprise.  Quand ce n’est pas le cas malgré tout, les infirmières des différents centres de santé où se tiennent ces séances d’apprentissage assurent le travail de traduction. » Mais cela ne douche nullement les ardeurs d’Anaïs Angoran « investie d’une mission ».

Gestes Santé », l’initiative d’Anaïs Angoran, thérapeute en médecine traditionnelle chinoise

     Médecine intégrative

   Outre ces massages, la thérapeute incite les femmes à adopter une approche holistique de la santé. « On prend aussi le temps de discuter avec les mamans pour parler des pathologies qui touchent les enfants la majorité du temps. On leur explique les causes de certaines de maladies. Et les règles d’hygiène à adopter au quotidien pour que les enfants soient en bonne santé. Cela est très important. »

    Aussi insiste-t-elle à rappeler – de manière itérative -, le caractère prophylactique, « complémentaire » et non curatif de ces techniques de massage. Toux, diarrhées, constipation, maux de tête, fièvre : ces massages permettent de soulager les petits maux récurrents du quotidien ou se pratiquent en premier soin avant une consultation, si besoin. « Je n’ai pas vocation à remplacer un médicament ni une consultation médicale. Les massages permettent de ne pas aggraver la maladie avant que la mère puisse se rendre dans un centre de santé pour soigner son enfant », précise Anaïs Angoran. Les massages peuvent aussi renforcer et compléter tout traitement médical. « On peut aussi appliquer ces massages en plus des médicaments qui vont aider l’enfant à guérir plus rapidement. »

    France, Gabon, Tunisie… : la médecine traditionnelle chinoise est désormais pratiquée dans certains hôpitaux de nombreux pays. La thérapeute appelle les autorités à dupliquer ce modèle intégratif sur le territoire ivoirien. Une collaboration somme toute bénéfique pour les populations selon elle. « C’est très important parce qu’elles sont très complémentaires. J’ai eu des patients qui avaient le cancer. L’acupuncture par exemple ne soigne pas le cancer mais elle peut diminuer les effets secondaires d’une chimiothérapie. Il est donc primordial qu’on reconnaisse la médecine traditionnelle chinoise en Côte d’Ivoire et qu’on lui accorde une place de choix dans le système sanitaire », argue-t-elle.

    En attendant la réalisation de ce vœu pieux, Anaïs Angoran insiste sur le caractère fusionnel des massages : « Les massages c’est le toucher. Ça créé un lien entre la mère et l’enfant. » Cela sonne comme un appel du pied aux autorités sanitaires qui rechignent encore à lui accorder les autorisations nécessaires afin de poursuivre désormais en toute légalité son sacerdoce. « Donnez-moi mes autorisations », lâche-t-elle tout sourire, en fin d’entretien.

          Arthur Miessan

Lemediacitoyen.com

 

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