Nations nègres et culture, bible de l’histoire africaine/ Gisèle Doh

nation nègre et cultures
Le livre « Nation nègres et cultures », est le fruit de recherches phénoménales, menées par Cheikh Anta Diop, afin de restaurer l’histoire de l’Afrique noire longtemps occultée.

   À cette époque, le racisme scientifique, porté par d’éminentes figures, était enraciné dans la société occidentale, et avait attribué au blanc l’être cartésien par excellence, la paternité de toutes les civilisations, et défini le noir, comme un être primitif, émotif, incapable de la moindre logique.

      Les Égyptiens de l’antiquité étaient noirs

     C’est dans ce torrent de certitudes racistes, que Cheikh Anta Diop, jeune homme de 27 ans, va prendre l’idéologie dominante à contre-pied, en affirmant que les Égyptiens de l’antiquité, précurseurs de la civilisation et des sciences étaient des noirs. Il ne fait pas que l’affirmer, il le prouve.
      Cette thèse fit l’effet d’un séisme, et comme elle dérangeait, il fallait le faire taire.
On ne peut cacher le soleil avec la main dit le proverbe africain. Même si l’université de la Sorbonne rejette sa thèse en 1951, Présence africaine éditera le livre en 1954.
Nonobstant les preuves qui ne manquent pas dans son livre, des scientifiques pétris de préjugés essaieront par tous les moyens, de jeter le discrédit sur son travail.
Jugées trop révolutionnaires, certains intellectuels africains avaient du mal à adhérer aux idées véhiculées dans le livre. Aimé Césaire fut l’un des rares à le soutenir. Dans « discours sur le colonialisme », il qualifiera le livre de Cheikh Anta Diop de « livre le plus audacieux qu’un nègre n’ait jamais écrit »
      Il a fallu attendre le colloque de l’Unesco en 1974, pour que la plus grande partie de ses thèses soient finalement reconnues « dans sa façon d’écrire, sa culture et sa façon de penser, l’Egypte était africaine » telles furent les conclusions de ce sommet.

Les preuves de la négritude de l’Egypte antique

nation nègre
1Statue en grès du pharaon Montouhotep II (environ 2055-2004 avant JC), provenant de Deir elBahari, situé sur la rive gauche du Nil face à Louxor. Elle est exposée au Musée national égyptien au Caire. (AFP – Luisa Ricciarini/Leemage)

     Le combat fut de longue haleine, et pourtant, bien avant lui, la paternité de la civilisation Égyptienne avait été attribué à la race noire.
Dans les témoignages de savants grecs comme Hérodote, Aristote, qui étaient des témoins oculaires, la peau noire et les cheveux crépus des Égyptiens étaient mentionnés.
      Aristote disait d’eux qu’ils étaient « agan malane » pour décrire leur peau ce qui signifiait excessivement noir.
Au 18e s, le comte de Volney, historien français, devant les évidences accablantes, tira les mêmes conclusions :

      « Les Coptes sont donc proprement les représentants des Egyptiens et il est un fait singulier qui rend cette acception encore plus probable. En considérant le visage de beaucoup d’individus de cette race, je lui ai trouvé un caractère particulier qui a fixé mon attention : tous ont un ton de peau jaunâtre et fumeux, qui n’est ni grec, ni arabe ; tous ont le visage bouffi, l’œil gonflé, le nez écrasé, la lèvre grosse ; en un mot, une vraie figure de Mulâtre.
J’étais tenté de l’attribuer au climat, lorsqu’ayant visité le Sphinx, son aspect me donna le mot de l’énigme. En voyant cette tête caractérisée de nègre dans tous ses traits, je me rappelais ce passage remarquable d’Hérodote, où il dit « Pour moi, j’estime que les Colches sont une colonie des Egyptiens, parce que, comme eux, ils ont la peau noire et les cheveux crépus », c’est à dire que les anciens Egyptiens étaient de vrais nègres de l’espèce de tous les naturels de l’Afrique.»

Une des autres preuves irréfutables du caractère nègre des anciens Égyptiens, étaient la couleur de leurs dieux. Osiris et Thot pour ne citer qu’eux étaient noirs.
Les représentations foncées des pharaons et les coiffures qu’ils arboraient, étayent aussi la négritude de l’Égypte antique. ( voir les représentations de MENTOUHOTEP 1er et NÉFERTARI)
       

       L’analogie va au-delà des traits physiques et capillaires.
   

     Des valeurs propres à l’Égypte antique, comme le totémisme sont encore présentes en Afrique noire.
        Une étude comparée linguistique, souligne des similitudes entre l’Égyptien et les langues africaines comme le Valaf et le Serere(liste non exhaustive).
      Au vue de ces arguments, la conclusion est sans appel : L’invention de l’écriture, des sciences nous la devons à des noirs. La culture grecque qui a inspiré la culture romaine, tire ses sources de l’Afrique nègre. « Pythagore est resté en Egypte pendant 22 ans, de 558 à 536 av. J-C. Platon y est resté de 399 à 387 av. J.-C… C’est par conséquent là-bas, aux pieds des prêtres Égyptiens, qu’ils ont puisé le savoir qui a fait leur gloire. L’Egypte pharaonique qui a été leur institutrice pendant si longtemps fait partie du patrimoine du Monde Noir. Elle est elle-même fille de l’Ethiopie. Et « dans sa façon d’écrire, sa culture et sa façon de penser, l’Egypte était africaine ».

    Donner à l’homme noir la place qui lui revient dans l’histoire de l’humanité

           Le fait que ce pan de l’histoire de l’humanité, ait été balayé du revers de la main, était lié au besoin de justifier la colonisation. On invente alors le nègre barbare, à qui on apporte la culture.
Cette propagande avait du mal à accepter, que la société africaine était structurée, et avancée, avant l’arrivée des colons. Que l’émancipation des femmes n’était pas un problème. La société africaine étant matriarcale, les femmes occupaient des postes de responsabilité, bien avant que ce fut le cas en Europe.

         Le but de Cheikh Anta Diop en restituant cette vérité, était de redonner au continent oublié ses lettres de noblesse. Il ne s’agissait pas d’éveiller des relents sous-jacents de complexe de supériorité, pouvant déboucher sur des formes nazisme.
[…] la civilisation dont il [le Nègre] se réclame eût pu être créée par n’importe quelle autre race humaine – pour autant que l’on puisse parler d’une race – qui eût été placée dans un berceau aussi favorable, aussi unique” [Cheikh Anta Diop, Nations nègres et Culture].
        Loin d’être un raciste comme voulait le décrire ses détracteurs, Cheikh Anta Diop était un grand humaniste, qui a été reconnu comme tel.
       Son travail a consisté à combattre le racisme scientifique, et à prouver que l’intelligence n’est nullement liée à la couleur de peau. Il a remis en cause la conception de la race dominante, ce qu’on peut considérer comme un apport non négligeable à l’histoire de l’humanité.

        L’héritage de Cheikh Anta Diop
 

     Des années plus tard, comment contribuons-nous à la propagation de l’héritage colossal de Cheikh Anta Diop ?
      Il prônait une Afrique unie, rassemblée, après s’être forgée une identité forte qui servirait de fondation solide. Où en sommes-nous avec le panafricanisme ?Avec l’adaptation de nos langues aux réalités et aux sciences comme il en a fait l’expérience avec le Valaf dans le livre ? Avec la décolonisation des mentalités ?
        Force est de constater que ces sujets restent d’actualité.
       La tâche qui nous incombe aujourd’hui, est de contribuer TOUS à l’émergence de notre continent qui sera d’abord culturelle.
         Dans le domaine scolaire, nous devons implémenter des manuels adapter à nos réalités.
Adaptons nos langues aux réalités modernes. Il ne s’agit pas de bannir les langues coloniales acquises, mais revaloriser les nôtres et les adapter aux sciences modernes.
      C’est les pieds solidement ancrés dans ses racines, libre de toute aliénation, détachée du joug du colonial, et de l’aliénation du colonisé, que l’Afrique connaîtra sa vraie valeur, et qu’elle pourra prendre sa place sur l’échiquier mondial.
         Cette refondation qui ne doit pas se faire dans une démarche belliqueuse, engendrera des africains fiers de leurs origines, qui prendront leur destinée en main.

Une contribution de Gisèle Doh,
fondatrice de l’Association les racines du baobab
créatrice du blog boldhormones.com
Lemediacitoyen.com

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