Pressions de l’entourage, Samba-Panza révèle : « on m’a demandé de modifier la charte constitutionnelle pour rester »

Catherine Samba-Panza annonce un livre sur sa mandature (DR)

     Interrogée le 2 octobre 2019 au cours d’un panel sur le transfert pacifique du pouvoir présidentiel à la réunion de Niamey relative au respect  des mandats présidentiels en Afrique, Catherine Samba-Panza, ancienne présidente de la Centrafrique lève un coin de voile sur les pressions nationales et internationales auxquelles elle a dû faire face.

    Produit de la société civile centrafricaine, Catherine Samba-Panza affirme avoir subi des pressions de tous les côtés durant la transition. « Le pari de transfert de pouvoir en douceur n’était pas gagné à cause de la méfiance, des intrigues politiques. L’expérience de la transition a été cruciale pour le retour à l’ordre démocratique et constitutionnel. Cela a requis une gestion non partisane, une concertation permanente ». Elle insiste aussi sur « le respect de la parole donnée ».  « Malgré les pressions subies, je n’ai pas cédé. Je n’ai pas été candidate »

        Interrogée sur le type de pressions, l’autorité de la transition centrafricaine s’explique. « J’ai subi beaucoup de pressions. Je ne savais pas que c’était aussi difficile (…) Les groupes armés veulent vous pousser à la démission. Les partis politiques vous mettent la pression et la communauté internationale qui veut vous imposer son agenda », dévoile-t-elle.

        Selon la charte constitutionnelle de la transition, rappelle-t-elle, le premier ministre de la transition est inamovible. Mais dans les faits, on lui aurait imposé de changer de premier ministre. « On m’a imposée la réunion de Brazaville. La communauté internationale est venue me voir pour me demander de changer mon premier ministre (…). J’ai vécu deux semaines difficiles. Où je le faisais démissionner ou on nous buttait. (…) Il dit il ne démissionne pas. J’ai écrit une déclaration que j’ai fait lire par mon porte-parole pour dire que le premier ministre a démissionné et que j’accepte sa démission. Ensuite, j’ai pris un texte pour le nommer ambassadeur en Afrique du Sud », se remémore la présidente de la transition.

Photo de famille d’anciens présidents africains autour du nigerien Issoufou Mahamadou (DR)

       Mais ce n’est pas tout. A l’en croire, lorsqu’elle a voulu nommer un nouveau premier ministre, on lui a rétorqué qu’elle n’avait pas les moyens de sa souveraineté. « On m’a bloqué tous les financements. C’est la BAD (Banque africaine de développement) qui m’a aidée. Quand Kaberuka a débloqué, l’Union européenne a dit on va l’aider et les autres ont suivi »

      Son entourage n’est pas en reste. « On m’a fait miroiter en me demandant de modifier la charte constitutionnelle de la transition pour rester. Cela m’a fait beaucoup d’ennemis autour de moi. Mes collaborateurs qui ont lâché leur travail à l’extérieur vu que j’avais sollicité la diaspora sont en ce moment au chômage pour la plupart. 45 jours après mon départ effectivement, tout mon cabinet a été vidé. Cela pose la question de la difficulté éthique et morale. Ils ont fait des sacrifices pour leur pays dans des moments difficiles », parait-elle attendrie lorsqu’elle évoque cette réalité.

     Les recettes d’Ousmane Mahamane et Goodluck Jonathan

 «  La Constitution de la Centrafrique prévoit le statut d’ancien président. Mais comme je n’ai pas le titre de président mais plutôt de chef de l’Etat, je n’ai pas de statut d’ancien président. La République n’a pas été reconnaissante envers moi. Il y a des choses qu’on ne dit pas mais souvent on est obligé de dire. (…) La médiation africaine a décidé de mener des accords au nom des autorités de la transition et on m’appelle pour parapher. Il faut savoir résister quand on a une vision », table-t-elle sur l’abnégation pour ne pas céder aux pressions.

       Pour ne pas être exposé à la dépression après l’exercice du pouvoir, il faut se préparer avant de devenir président, affirme Mme Samba-Panza. « J’étais active dans la société civile en tant que défenseure des droits de l’homme et des femmes. J’étais maire de Bangui. Je n’ai pas quitté le lieu où j’habitais quand je suis devenue présidente ». Selon elle, son passé d’activiste a été déterminant pour faire face aux pressions. L’ancienne présidente de la Centrafrique promet  écrire un livre pour revenir sur certains détails de son expérience au pouvoir.

       Co-panéliste sur le thème du transfert pacifique du pouvoir présidentiel, Ousmane Mahamane, l’ex président nigérien reconnait l’impact de l’entourage dans la confiscation des pouvoirs en Afrique. « Beaucoup d’entre nous se laissent souvent influencer par ceux qui leur disent ce qu’ils veulent entendre (…) les collaborateurs sont souvent à la base des mauvaises décisions »

         Le président Goodluck Jonathan qui  a reconnu tôt sa défaite et a salué son remplaçant, rassure qu’il le referait si cela était à reprendre. Pour lui, les pressions de l’entourage viennent de  ceux qui ne veulent pas perdre des privilèges. Cependant, seul le président est responsable. Il doit résister en se conformant à la loi et la Constitution malgré la pression de l’entourage.

       Pour inciter les dirigeants politiques et de la société civile à défendre et à mobiliser les citoyens à promouvoir le respect à la limitation des mandats présidentiels, le National Democratic Institute (NDI) lance un programme d’une durée d’un an intitulé « Le Constitutionnalisme pour la Consolidation Démocratique » afin de promouvoir le soutien public à la limitation des mandats présidentiels en Afrique subsaharienne à travers un plaidoyer de haut niveau et une mobilisation citoyenne.

        Le rendez-vous de Niamey organisé conjointement par   le NDI, l’OSIWA, l’Africa Forum de Pretoria et la Fondation Kofi Annan se déroule du 2 au 4 octobre 2019.

Nesmon De Laure,

envoyée spéciale à Niamey

Lemediacitoyen.com

           

 

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