Reportage/ Abobo, l’émouvant dialogue entre des mères d’enfants « microbes » et des mères de victimes

Des femmes d'Aboboont échangé entre elles sur l'impact de la délinquance juvénile (LMC)

       Le phénomène d’enfants en conflit avec la loi dit « enfant microbes » fait des séquelles. Les familles des victimes aussi bien que celles des mis en cause en pâtissent. Dans le cadre de son projet de prévention contre la violence à travers la mémoire, le dialogue, et l’éducation, l’Observatoire Ivoirien des Droits de l’Homme (OIDH) a organisé une séance de dialogue sur la question, le 25 septembre 2019 au centre social (Abobo).

        Il est 10 heures quand toutes les femmes venant de différentes associations se réunissent au centre social d’Abobo ce 25 septembre. M. Aboubacar membre de l’ONG CEDEAO explique le contexte dudit dialogue : « Nous sommes tous réunis pour parler du phénomène des microbes qui prend de l’ampleur dans cette commune, ce qui fait que Abobo est considéré comme  la commune des vagabonds. Nous avions décidé de régler ce problème avec le dialogue, raison pour laquelle on a réuni les mamans des microbes, et les mamans des victimes pour obtenir le sentiment qu’ils ont lorsque leurs enfants agressent ou sont agressés. », Dit-il aux mamans espérant avoir une bonne réponse d’elles. 

         Dame Clarisse a vécu une situation particulière avec son frère. Elle l’a partagé avec l’assemblée. Tout a commencé après la mort de leur mère: « Le dernier de ma maman a un dur caractère depuis sa naissance et cela a pris de l’ampleur  lorsque ma mère  a été tuée pendant la crise.  Il est devenu assaillant,  a tué des personnes pendant la guerre. A chaque fois que  je parle la situation s’aggrave. Il rentre et sort comme il veut dans ma propre maison.  Une fois, il avait bu et n’arrivait plus à se maîtriser. Arrivé à la maison j’ai commencé à lui faire des reproches et depuis ce jour, il a pris son fils puis s’en est allé, jusqu’ aujourd’hui je ne l’ai plus revu. »

        Et d’ajouter : « Mettre un enfant au monde demande assez de responsabilité. Ce n’est pas une autre personne  qui doit l’éduquer. Cette responsabilité revient aux parents, tout commence dès le bas âge ».

       D’autres témoignages sont enregistrés comme ceux de mères d’enfants victimes.  « Nous savons qui vole, agresse, violente nos enfants et nous-mêmes, mais personne ne peut parler. Nous sommes obligées de garder le silence car entre nous ici quelqu’un peut aller faire la commission pour dire à son enfant tel personne a dit ceci, et nous aurons des ennuis alors nous préférons taire les noms » dévoile une maman de victime.

         Les mères des auteurs se sont moins exprimées. Elles ont plutôt écouté les conseils donnés ici et là. Néanmoins, l’une d’entre elles n’a pas hésité à mettre à nu les actes de son frère. Ce dernier  vit avec ses sœurs.  « L’enfant a perdu son père très tôt donc il  vivait avec mes sœurs. Il a commencé à vendre la drogue. Souvent même elles comptent les sachets restants, mais depuis qu’ils sont venus le frapper à la maison sachant qu’il a fait un manquant, chacune a commencé à fuir la maison, elles sont venues m’appeler pour intervenir.  A l’heure où je vous parle partout où je passe on me laisse la voie libre sachant que c’est le chef du quartier, tout le monde a peur de lui si tout suite il rentre ici tout le monde va fuir c’est moi seul qui arrive à le calmer.» explique-t-elle visiblement en colère.

       Pour elle, les parents aussi sont responsables de la conduite de leurs enfants, car ‘’la seule et unique voie pour mieux éduquer son enfant c’est de lui procurer le savoir-vivre’’.

    A la fin de la réunion, le comité des femmes  adopte des actions susceptibles de changer la situation, en vue de réaliser les résultats tant attendus. Il s’agit notamment  ‘’d’organiser des moments d’échanges pour parler avec les enfants dit microbes, éduquer l’enfant dès le bas âge à la maison, réunir les femmes pour discuter sur ce sujet, interpeler son enfant lorsqu’il exagère, ne pas regarder des films violents avec ses enfants, donner des conseils à son fils’’.

    Elles partagent des conseils afin de prévenir la violence au sein dudit quartier. La session se déroule dans une ambiance bonne enfant et dans le respect mutuel.

       L’objectif de ce dialogue communautaire est d’amener les mères des auteurs, des victimes, à comprendre le phénomène et à prendre connaissance des mesures pour mener à bien la lutte contre le phénomène des microbes.

      L’un des défis de cette initiative de l’Observatoire Ivoirien des Droits de l’Homme (OIDH) est de  ‘’parvenir à favoriser le dialogue entre les participants, créer un climat de confiance et d’entente en donnant la parole à tous les participants, puis donner une bonne compréhension du sujet’’.

     Depuis 2017, L’OIDH avec l’appui de ces partenaires tel que ROSA Luxembourg, soutient les initiatives de renforcement de la paix et de la cohésion social par la prévention de la violence dans les établissements scolaires et communauté par la promotion du dialogue communautaire.

      Il s’agit à travers  ces sessions de dialogue ‘’de faire des femmes des jeunes, des victimes, des acteurs clés dans la recherche de solution durable pour la prévention des violences dans leurs différentes communautés et en côte d’ivoire’’.

     Ce sont plus de 50 facilitateurs formés, 51 sessions de dialogue au bénéfice de 1000 personnes notamment les victimes, les jeunes, les femmes et les élèves.

     Ce sont au total 15 cadres de discussions qui sont soutenus par l’OIDH, dans trois localités de la Cote d’Ivoire, notamment Abidjan, Duékoué, et Toulepleu.

Ruth Assoko (stagiaire)

Lemediacitoyen.com

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