Reportage/Yomidji (Dabou) sans hôpital, le combat de maman Kando pour sauver des vies

C'est à ce centre de santé de fortune que maman Kando fait accoucher les femmes dans le village de Yomidji (LMC)

   Yomidji, village de Dabou, situé à plus de soixante  kilomètres d’Abidjan  manque de centre de santé. Maman Elisabeth Kando, agent communautaire se bat depuis quinze ans pour sauver des vies. Sentant le poids de l’âge, elle réitère son appel à la construction d’un centre de santé. Lemediacitoyen.com  est allé à sa rencontre.

      Ce 11 septembre 2019 nous embarquons dans un mini-car pour la ville de Dabou, à 27 kilomètres d’Abidjan. A 12h50  nous arrivons dans la cité du Leboutou.Prochaine destination, le village de Yomidji à une trentaine de  kilomètres de Dabou. Dans le taxi-brousse, sont coincés neuf passagers. Impossible de lever le bras sans gêner son voisin.  «  Serrez-vous, on va partir », lance le chauffeur.

        Après plus d’un quart d’heure de démarrage, les premières secousses se font sentir. La route est en mauvais état. Il s’agit de  l’ancienne route qui mène à Sikensi depuis le temps du président Félix Houphouet Boigny. Sur le trajet, le voyageur peut voir défiler des véhicules transportant l’hévéa. Il peut humer le parfum du caoutchouc brut. Dabou est une zone productrice d’hévéa. Elle abrite aussi des usines.

       A 14 h,  le taxi-brousse stationne à Yomidji. Yomidji traduit de la langue adjoukrou signifie « l’eau de la femme ». Selon la légende, jadis, des populations en quête d’eau à boire seront conduites au bon endroit par une femme. « On lui a demandé de donner un nom, et c’est Yomidji qu’elle a donné, c’est-à-dire  l’eau de la femme ». Celle qui explique l’histoire est maman  Kando Eyomboué Elisabeth, agent communautaire.

Maman Kando, agent communautaire passionnée.(LMC)

        C’est sans ambages que votre reporter est conduit à son domicile. Ici tout le monde la connait. C’est elle qui aide les femmes à accoucher. En fait, ce village n’a ni maternité, ni dispensaire. Le centre de santé le plus proche se trouve à environ une dizaine de kilomètres précisément à Akakro-Ahoua. « Lorsque des femmes sont en travail le médecin-chef m’a dit que je peux aider  s’il fait  nuit et qu’il n’y a pas de véhicule. Après l’accouchement je fais le rapport, je le dépose au centre de santé de Lopou », précise maman Kando.  Dans le mois, elle affirme aider en moyenne  pour cinq accouchements. Il arrive qu’au cours d’une même nuit, elle aide pour deux accouchements. « Dieu merci, depuis je fais les accouchements, je n’ai jamais eu de perte en vie humaine », se réjouit-elle

        En plus d’être agent communautaire, la bonne dame  est aussi la présidente de la coopérative Ephata de Yomidji. Depuis 2004, où elle est installée dans ce village de 2500 habitants, maman Kando  consacre son temps à sauver des vies et au développement communautaire. Cette accoucheuse nous fait visiter son dispensaire de fortune.  A l’entrée du local, une petite salle d’attente avec des bancs, à l’intérieur un petit bureau, un lit de consultation, et des médicaments entreposés dans une armoire. La maman fait de son mieux pour tenir son « petit centre santé » propre. Tout près de là, dans une cour sont entreposés, des latex d’hévéas qui dégagent une forte odeur. « Cette odeur n’est pas bonne pour les malades qui viennent se soigner et même pour les habitants de cette cour », déplore-t-elle.

         Coiffée d’un foulard, et quelque peu fatiguée,  Elisabeth Kando  raconte : «Au début c’est avec le concours d’une ONG que nous apportions des soins de santé aux villageois, mais chemin faisant l’ONG a souhaité que les villageois participent mais nous n’avons  eu le soutien de personne et j’ai décidé de continuer à titre privé avec mes propres moyens ». Maman Kando dispose d’un dépôt de médicament approvisionné par une pharmacie.  En plus du village de Kanidji, ce dépôt sert  également aux habitants des  cinq  campements environnants. La volontaire, signalons-le,  n’est pas une sage-femme diplômée. « J’ai travaillé dans des centres de santé mais je ne suis pas diplômée d’Etat. C’est avec amour que je le fais ».

 Un engagement au service de la communauté à encourager

      Ouédraogo Brahima, planteur dans le village apprécie les offices de maman Kando. « Elle nous soigne bien. Elle a fait accoucher mes filles. Je souhaite qu’on  vienne l’aider car elle est seule. La construction d’un centre de santé viendra récompenser tous ces sacrifices. Si le centre de santé est construit,  il ne faudrait pas qu’on la chasse ». Sanfo Fatoumata, cultivatrice, abonde dans le même sens.  « Elle nous reçoit bien, sans problème, mais que les gens pensent au village en construisant un centre de santé pour que cela réduise toute sa fatigue ».

          Si l’agent communautaire est motivée, son travail d’aide à l’accouchement ne se fait pas sans difficultés. Le village ne  dispose pas d’électricité. Il a une seule pompe villageoise. « Il n’y a pas d’eau potable. Nous disposons d’une seule pompe et les femmes se battent. Il n’y a pas d’électricité, lors des accouchements. Je mets la torche dans ma bouche et mes mains sont en bas. Quand je suis fatiguée, la torche tombe et on continue. Je n’ai personne pour m’aider car avec le sang et les différentes maladies, les gens ont peur. Je prends de l’âge et je veux arrêter », regrette maman Kando qui insiste pour la construction d’un centre de santé.

Une vue du village Yomidji (LMC)

 

         Les efforts de maman Kando sont reconnus par Lath Cess Paulin, chef de village résident. Rentré du champ à la tombée du soir, il joint sa voix au plaidoyer de la construction d’un centre de soins.« Nous voulons un dispensaire et une maternité car nous avons des quartiers éloignés. Maman Kando fait du bénévolat, et elle nous sauve. Souvent des femmes sont en travail à minuit, elle les fait accoucher et les assiste jusqu’au petit matin. Elle fait beaucoup pour le village. Nous sommes dans l’obscurité, donc vivement qu’on nous accorde l’électricité, l’eau potable, un dispensaire », plaide-t-il. 

       Selon les informations recueillies sur place la construction d’un centre de santé avait été envisagée  mais depuis silence radio. Le soleil se couche allégrement sur Yomidji qui s’anime par le retour des jeunes des travaux champêtres.  L’obscurité s’installe peu à peu  quand le reporter de lemediacitoyen.com quitte les lieux. Des poteaux électriques avec leurs longs fils traversent le village  sans vie de lumière. Vivement que ce gros village fasse également sa rencontre glorieuse avec la modernité comme les autres localités du pays. C’est le lieu d’inviter les structures et autorités compétentes à se pencher sur le cas de Yomidji.

 

 

N’Dri Koffi  Eugène

Lemediacitoyen.com

 

Lire aussi:
Violences sexistes et sexuelles, un tabou brisé par les féministes ivoiriennes/Désirée DENEO, doctorante en Philosophie en innovation sociale

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*