Ici, on sait mélanger les contraires : on est anti-féministe le matin, mais féministe l’après-midi si un appel à projets bien dodu pointe à l’horizon. Oui, oui, on parle de ces fameuses organisations « des droits de l’homme » qui ont une passion cachée : combattre les féministes… sauf quand il y a des fonds féministes en jeu. Là, bizarrement, elles découvrent soudainement leur fibre militante pour les droits des femmes.
Dans les réunions, ces organisations se dressent en défenseuses des « valeurs africaines » (entendez : la soumission, le respect sans limite pour l’homme, et surtout le silence). Elles déclarent que les féministes sont « les ennemies de la tradition », qu’elles veulent « détruire les foyers » et qu’elles « s’attaquent à la masculinité divine ». Mais dès qu’elles entendent parler de fonds alloués à l’égalité des sexes, à la lutte contre les violences basées sur le genre ou à l’autonomisation des femmes, leur discours change. Ah, la magie de l’argent !
Dans ces cas-là, ces mêmes organisations deviennent expertes en « leadership féminin », en « empowerment » et en « safe spaces ». Les mots anglais fusent comme si elles avaient grandi à New York. Elles envoient des projets bien ficelés, signés, cachetés, prêtes à rivaliser avec des féministes qu’elles accusaient hier de « perdre leur africanité ».
Mais attendez, pourquoi se fatiguer à combattre les féministes, alors ?
Parce qu’il faut bien maintenir l’apparence ! Ces organisations jouent sur tous les tableaux. Elles font le jeu de la société patriarcale en criant haut et fort qu’elles défendent « le vrai féminisme », celui qui respecte les hommes, les traditions, et surtout… l’ordre établi. Mais dans l’ombre, elles soumissionnent discrètement auprès des bailleurs étrangers, le sourire aux lèvres, en demandant : « Et si on travaillait ensemble pour l’autonomisation des femmes africaines ? ».
C’est un vrai cas d’école en duplicité. D’un côté, on diabolise les féministes pour plaire aux conservateurs locaux. De l’autre, on est féministe temporairement pour séduire les bailleurs. Ça s’appelle l’adaptabilité culturelle, non ?
Alors, que faut-il faire face à cette comédie bien huilée ? Peut-être que la solution est simple : que les bailleurs se réveillent un peu et demandent des preuves concrètes d’engagement pour les causes féministes. Parce que tant que ces « anti-féministes du jour, féministes de nuit » continueront à jouer sur tous les tableaux, les vraies militantes, celles qui se battent pour un changement réel, resteront dans l’ombre.
Delores Pie
Lemediacitoyen.com
*Article et dessin réalisés dans le cadre de la campagne de communication sur les actions féministes en Côte d’Ivoire dite campagne #Médiatisonslesvoixféministes initiée par l’ONG opinion éclairée avec l’appui de la Foundation for a Just Society et en partenariat avec Amnesty International Côte d’Ivoire.
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