Moustiquaire imprégnée. Elle est conçue pour assurer une protection contre les piqûres de moustiques. Elle se révèle efficace dans la prévention contre le paludisme. Cette maladie dite endémique est la principale cause de consultations en Côte d’Ivoire, soit 33%. Toutefois, il est constaté que ces moustiquaires sont utilisées à d’autres fins. Ignorance ou négligence, cet usage détourné pourrait fragiliser la lutte contre ce fléau. Explications.
B. Souleymane, la cinquantaine confectionne des marmites et des ustensiles de cuisine à la périphérie de la commune d’Abobo. Dans son atelier de confection sont amassées des cannettes de sucreries et de boissons, le tout englobé dans des moustiquaires imprégnées. Selon lui, « les personnes qui les lui envoient trouvent que les moustiquaires facilitent la collecte et l’emmagasinement »
La moustiquaire imprégnée est un type de moustiquaire traitée avec des insecticides qui tuent ou repoussent les moustiques responsables des maladies telles que le paludisme , la Dengue et le virus Zika. Son élasticité attire à d’autres usages.
Ainsi, la moustiquaire imprégnée d’insecticide (MII) semble être devenue un objet banal, que les gens utilisent selon leur bon vouloir. C’est le cas à Anyama, commune située au nord-est d’Abidjan où des MII ont été enrobées les unes sur les autres pour délimiter des lopins de parcelles. Utilisée dans les champs, les jardins, etc. l’usage de la MII est autre que celui pour lequel elle a été fabriquée.
A côté de cela, certaines personnes choisissent délibérément de ne pas dormir sous la moustiquaire car elles estiment « qu’elles ne les supportent pas ».
« j’ai reçue des moustiquaires imprégnées lors des différentes campagnes mais je ne les utilisent pas car sous la moustiquaire j’éprouve la sensation d’être en prison ou en cage », témoigne Brou Adjoua Nadège, jeune entrepreneure. Elle préfère dans la mesure du possible les utiliser comme des paravents aux portes et aux fenêtres de sa maison pour éviter que les moustiques n’y pénètrent.
Toutefois, selon les recommandations de l’Organisation Mondiale de la santé (l’Oms) « les pays doivent distribuer les moustiquaires gratuitement en ayant recours à la fois à des campagnes de distribution de masse et à une distribution régulière au moyen de divers canaux, par exemple les centres de soins prénataux et le Programme élargi de vaccination (PEV)» .
Ainsi, en Côte d’Ivoire, la moustiquaire imprégnée est distribuée régulièrement à la population dans les écoles et dans les centres de santé, lors de vastes campagnes initiée par le ministère de la Santé ,de l’hygiène publique et de la couverture maladie universelle.
En effet, en 2023, c’est plus de 6 millions de cas de paludisme qui ont été enregistrés selon le Dr Tanoh Méa Antoine, Directeur Coordonnateur du Programme National de lutte contre le paludisme. La stratégie sanitaire du gouvernement quand à elle est axée sur la sensibilisation et la distribution à grande échelle de moustiquaires imprégnées.
Meilleur moyen de prévention contre le paludisme selon Dr Tanoh Méa Antoine
« Le paludisme sévit en Côte d’Ivoire du 1er janvier au 31 décembre avec des périodes de fortes incidences pendant les saisons pluvieuses », explique Dr Tanoh Méa Antoine , directeur coordonnateur du Programme National de la lutte contre le paludisme. Il a fait la sortie le lundi 15 avril au cours de la tribune « A l’écoute » du ministère de la santé, dédiée aux internautes et à la population. Selon lui , bien que le nombre de cas de décès est en baisse de 50% ( 3222 cas en 2017 à 1485 cas de décès aujourd’hui), le nombre de cas de paludisme augmente malheureusement. Il recommande fortement l’utilisation de moustiquaire imprégnée d’insecticide pour se prémunir contre la maladie. « La moustiquaire est le meilleur moyen de prévention contre le paludisme », soutient-il .
Il atteste par ailleurs que « après les grandes campagnes de distribution de moustiquaires quand 80% des personnes ayant reçu les moustiquaires imprégnées dorment effectivement sous une moustiquaire, s’ensuit une réduction des cas de paludisme de 15 %, la première année puis de 10% la seconde année et entre 5 et 7% la troisième année.
Concernant l’usage détourné que des personnes font des moustiquaires, Dr Tanoh explique « Nous avons été saisi plusieurs fois par des personnes sur la question à Gagnoa, Bongouanou et San-Pedro. Mes services et moi avons constaté que la plupart était des moustiquaires imprégnées usagées ». Il a tout de même regretté cette pratique et appelé à ne pas utiliser la moustiquaire autrement que ce pourquoi elle a été conçue.
Un document nommé ‘’ les lignes directrices de l’Oms’’ publié le 16 février 2021 fait mention d’études réalisées sur la moustiquaire imprégnée d’insecticide par rapport à l’absence de moustiquaire. Cette étude a été réalisée dans quelques pays d’Afrique dont la Côte d’Ivoire, d’Amérique, d’Asie du Sud-Est et de la méditerranée Orientale . Selon ses résultats « Les moustiquaires imprégnées réduisent les taux de mortalité juvéniles toutes causes confondues par rapport à l’absence de moustiquaire »
De plus, la moustiquaire est un moyen essentiel dans la prévention du paludisme des femmes enceintes et des enfants de moins de 5 ans. Une frange de la population fortement exposée au paludisme. Le ministère de la Santé de l’hygiène publique et de la couverture maladie universelle met l’accent sur la gratuité de la prise en charge qui inclut le don de moustiquaires imprégnées.
La moustiquaire au cœur de la stratégie de prévention du paludisme
La Cote d’ivoire est a sa quatrième campagne de distribution d’envergure de la MII. La dernière campagne ayant pris fin en avril 2021 a permis la distribution de 19 millions de moustiquaires aux ménages selon les autorités. L’ objectif visé était celui d’atteindre un taux d’utilisation de 80 % par la population afin de réduire l’expansion des cas de paludisme.
Aussi, les autorités sanitaires ont adopté un plan Stratégique national de lutte contre le paludisme ( PSN) pour la période 2021 et 2025 axé sur des stratégies efficaces de contrôle et de prévention du paludisme.
Ces stratégies sont entre autres le changement Social et de Comportement (CCSC) ciblant les populations vulnérables et difficiles d’accès, l’utilisation des réseaux sociaux et des écrans publicitaires ainsi que la sensibilisation en milieu scolaire. L’OMS a également élaboré un document dénommé ‘’ Guide pour le traitement et l’utilisation des moustiquaires imprégnées d’insecticides ‘’ destiné aux responsables des programmes des différents pays ainsi qu’au grand public.
S’agissant , par ailleurs, des moustiquaires usagées l’OMS recommande qu’elles soient recollectées. La meilleure option selon l’institution, pour leur élimination est l’incinération à haute température : « Ils ne doivent pas être brûlés à l’air libre. En l’absence d’infrastructures appropriées, ils doivent être enterrés loin des points d’eau et, de préférence, dans un sol non perméable ».
Les moustiquaires imprégnées d’insecticides demeurent le moyen le plus sûr pour éviter le paludisme. Un usage détourné en masse pourrait ralentir les efforts de lutte contre cette maladie et augmenter les cas.
Victoire Kouamé
Lemediacitoyen.com
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