J’ai récemment eu une discussion fort enrichissante sur la situation de prisonniers écroués de longues années durant, en dehors de tout cadre légal, sans être jugés pendant que l’on recherchait contre eux des preuves pour établir leur culpabilité.
Mon interloctueur – du milieu de la justice – me fera alors observer la difficulté dans laquelle se retrouve quelques fois les procureurs et les juges d’instruction du fait d’avoir à « piétiner la loi » non pas par concussion ou pour répondre aux injonctions de l’exécutif (ce qui arrive, ne soyons pas naïfs) mais bien souvent parce que faute d’une bonne maîtrise des frontières, faute d’un dispositif efficace de communication entre les forces de l’ordre, faute d’un bon système de surveillance du territoire qui commence par le simple adressage (des rues et des habitations)…, nul ne veut assumer la responsabilité de l’évasion d’un prévenu après son élargissement à titre provisoire.
Cet exemple pose le problème de la modernité supposée de notre pays; surtout, il invite à questionner notre aptitude à la cohérence d’ensemble.
Il y aurait deux façons d’expliquer que 58 ans après notre indépendance, des tâches aussi simples a priori semblent si insurmontables. On pourrait invoquer d’une part la paresse, l’aboulie généralisées; et d’autre part, la qualité de la ressource humaine.
J’évoquerai déjà la paresse laissant à une autre fois la compétence.
En effet, pour l’avoir observé de près, je pense que certains défis comme l’assainissement des villes, l’éducation nationale, l’état civil, la régulation du secteur des transports, de la santé, la lutte contre la corruption… demandent un tel investissement humain que quasiment personne ne veut y sacrifier l’énergie nécessaire, y risquer sa santé, voire sa vie, tout le monde se résolvant devant l’immensité de la tâche à de petits saupoudrages qui ne vont pas au coeur des défis colossaux que notre humanité commande de surmonter (c’est le seul humanisme qui vaille notre mobilisation et notre intérêt). Or, voici que ces colmatages finissent par entraîner des réactions en chaîne quand un maillon défaillant en vient à rompre sous le poids d’un édifice de mauvaise qualité ; travail sommaire qui tient de l’à-peu-près !
C’est en effet à la paresse, à l’abdication, au refus d’un engagement et d’un don de soi francs et sincères que nous devons l’essentiel des problèmes qui nous assaillent.
Il nous faut savoir par exemple que le mot Ministre veut dire serviteur (cela a du sens dans un contexte social où les filles de ménage à titre illustratif se lèvent aux aurores pour ne dormir qu’à l’aube suivante : elles nous montrent ce qu’est le service) et que le mot député signifie envoyé (il est donc taillable et corvéable à merci). D’ailleurs, dans leur ensemble, les fonctionnaires n’œuvrent-ils pas dans le service public? Le maître-mot de tout ceci est donc le SERVICE, LE TRAVAIL, L’ABNÉGATION, LA VOLONTÉ DE PROGRÈS POUR L’EMPORTER SUR LA FATALITÉ. SANS CELA, ON N’EST PAS UNE SOCIÉTÉ HUMAINE!
Les mots ont un sens, il faut savoir comprendre ce à quoi ils nous appellent.
Si des politiques ou des décideurs me lisent qu’ils sachent que ce qu’il est attendu d’eux, ce sont des propositions qui engagent une congruence, une démarche d’ensemble dont nous serons tous les heureux bénéficiaires au risque d’être immanquablement un jour ou l’autre les victimes du renoncement général sous l’empire duquel nous vivons.
P.S.: Je ne parle pas d’un régime en particulier, d’un homme ou d’une femme en particulier mais de notre société en général. Merci de ne pas me faire de procès d’intention.
Par Dr Agoubli Kouadjané Paul-Hervé
Lemediacitoyen.com
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