Enquête/ Abidjan, les grossesses à l’épreuve du Covid-19

grossesse pendant le coronavirus
La Police rapporte des cas d'interventions liés aux accouchements pendant le couvre-feu (ph: page DGPN)

    Equipements insuffisants, accouchements à domicile…La crise liée au Covid19 a des impacts sur la prise en charge sanitaire des femmes en grossesse,  susceptibles d’augmenter les risques de contamination.

    A l’entrée de l’hôpital du centre communautaire d’Angré, deux dispositifs ont été mis en place pour le lavage systématique des mains des visiteurs. Il faut obligatoirement se laver les mains, mais le port des masques y est également exigé. A l’intérieur, les bancs d’attentes sont marqués afin que la distance du mètre recommandé soit respectée entre les patients.

    Les sages-femmes présentes ce 9 avril 2020, ont l’air moins occupées. Elles sont également gantées, et portent toutes des cache-nez, médicaux pour certaines, artisanaux pour d’autres. Non loin, deux femmes enceintes patientent après s’être fait prendre la température. Flore Kouassi est l’une d’elles. Cette jeune dame est dans le premier trimestre de sa grossesse. Elle est inquiète.

    Pour elle, « chaque femme enceinte devrait avoir un kit de protection contre le Covid. Tout ce que nous avons au sein de l’hôpital, c’est du gel main que nous utilisons sur place. A voir le personnel de santé, on remarque que les équipements sont insuffisants vu qu’ils portent aussi des masques faits par des couturiers. J’ai longtemps hésité avant de venir en consultation, parce que comme tous j’avais peur de venir contracter le Covid ici et ma peur se justifie », explique-t-elle. Ces explications semblent justifier le choix de plusieurs futures mamans pour l’accouchement à domicile.

Hausse des accouchements à domicile

    Téné Koffi Carine, sage-femme en poste à la Formation sanitaire urbaine à base communautaire (FSUCOM) d’Abobo Baoulé, à Abidjan, en a fait le constat.

« Les femmes ne fréquentent plus trop les hôpitaux.  L’une des raisons est qu’elles se disent que c’est là qu’elles vont contracter la maladie puisqu’on dit d’éviter le monde. Il y a beaucoup plus d’accouchement à domicile car elles ont peur de venir dans les centres de santé. », révèle-telle. Et d’ajouter : « l’autre raison c’est le couvre-feu. Certaines femmes préfèrent accoucher à domicile lorsqu’elles ressentent des contractions après 21 heures ».

    C’est le cas de Fousséna Coumbaté. Après avoir accouché à 22heures le 27 avril 2020, la nouvelle maman s’est rendue à l’hôpital dès le lendemain car se défend-t-elle, ‘’ le temps de chercher un véhicule pour se rendre à l’hôpital à cette heure aurait compliqué les choses, le quartier n’étant pas bien situé’’.

    A ce jour, la FUSCOM a comptabilisé une vingtaine d’accouchement à domicile dans cette période.  Il est pourtant prévu une prise en charge par les sapeurs-pompiers de ces cas aux heures du couvre-feu. Pour en bénéficier, il est recommandé d’appeler le 180. Lorsqu’ils sont saisis via ce numéro, les sapeurs-pompiers réagissent. « Dans tous les cas, la prise en charge se fait gratuitement. Dans les ambulances, il y a toujours un médecin pour les premiers soins jusqu’à l’hôpital (..).Nous avons des cache-nez, des gants… de toutes les façons nous avons été formés pendant des mois donc nous ne sommes pas novices », assurent-ils.

    Les accouchements nocturnes en cette période de covid demeurent néanmoins un inconvénient pour les sages-femmes,  dans  le district sanitaire de Port-Bouët Vridi. Lorsqu’elles doivent évacuer une patiente en travaille, elles estiment qu’elles patientent un peu trop. « Quand nous voulons référer un cas à l’hôpital général, on appelle les pompiers. Mais comme il faut passer par le centre d’appel qui se charge de contacter les plus proches, cela prend du temps. Avant, le délai d’attente était beaucoup plus court », explique Affoussiata Soumahoro, sage-femme.  La police nationale apporte aussi sa pierre à l’édifice. Sur ses canaux de communication digitale, la Direction générale de la police nationale de Côte d’Ivoire, annonce prêter  mains fortes aux femmes enceintes en travaille lors des accouchements à domicile, et lors des évacuations dans les centres hospitaliers pendant les heures du couvre-feu.

grossesse pendant coronavirus
Une image publiée sur la page de la DGPN pendant l’un de ces points quotidiens relatif au couvre-feu (DR)

Des craintes chez les sages-femmes

    Si les femmes en grossesses s’inquiètent de ce qu’elles peuvent contracter le coronavirus dans les centres de santé, les sages-femmes le sont également puisque lors des séances d’accouchement elles ne peuvent respecter la distanciation souhaitée.

    « Lors du travail d’accouchement, l’augmentation de la fréquence des contractions utérine font que les patientes retirent les masques et prennent appui sur nous. Nous ne pouvons donc pas respecter la distanciation», indique Dosso Hafsatou, Sage-femme du Centre de santé urbain de Yopougon santé.

    Pour réduire les risques de la contamination dans la prise en charge des femmes en grossesse, les sages-femmes demandent l’approvisionnement des centres de santés en équipements à savoir les bavettes, caches nez… Elles souhaitent également des formations quant aux prélèvements pour être en mesure de dépister le covid19 chez leurs patientes.  « Si le personnel qui est  en charge de la mère et son bébé,  n’est pas bien protégé, il pourrait constituer une source de contamination pour la femme et son bébé », s’inquiète Mme Kangouté epse FOFANA Maïmouna, la Secrétaire Générale Nationale du Syndicat des Sages-Femmes et Maïeuticiens de Côte d’Ivoire  (SYSAFCI). Pour elle, il faut en plus des équipements sanitaire, « la poursuite de la sensibilisation, la prise de textes réglementaires réorganisant les services pour en réduire les flux journaliers, là où il est nécessaire car plusieurs responsables des structures sanitaires n’osent pas réduire les prestations journalières car n’ayant pas de textes légaux qui les protègent…».

    Des demandes, semble-t-il, entendues par le Programme national de santé de la mère et de l’enfant (PNSME), selon son Directeur Coordonnateur Adjoint Andoh Kouakou. « Nous avons proposé une liste d’équipements à des bailleurs, ils l’ont apprécié. Un partenaire a donné son appui au programme. Nous ferons une cérémonie de remise du matériel destiné au service de santé maternel et infantile », annonce-t-il ce 4 mai 2020.

Marina Kouakou

Lemediacitoyen.com

 

 

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