La ‘’villa kotonga’’ pour se reconstruire. Les cas de violences faites aux femmes ont connu ces dernières années une recrudescence en Côte d’Ivoire. De récentes statiques révélées par le ministère de la famille de la femme et de l’enfant sont effarantes : 7.919 cas de VBG ont été pris en charge en 2022, dont 1.198 cas de viols ( 15,13%) et 182 cas de mariages précoces (2,30%). Toutefois, la lutte contre les VBG mobilise plusieurs acteurs dont l’association féministe stop au chat noir.
Depuis janvier 2023, la militante féministe Bénédicte Joan, présidente de l’association ‘’ stop au chat noir ‘’ a mis en place un centre d’accueil pour les victimes de VBG . Située dans la banlieue de Bingerville au sud-est d’Abidjan, ‘’ la villa Kotonga ‘’. Kotonga signifie « pour se reconstruire » , en langue Congolaise. Cet espace offre un cadre sécurisé à toutes les victimes de VBG pour aider à leur reconstruction.
En effet, ce centre d’accueil a été mis en œuvre quatre ans après la création de l’ONG ‘’stop au chat noir’’ ; une association qui incite la conscience populaire à rompre avec la culture du viol surtout la méthode dite ‘’chat noir’’. C’est une pratique dont on ne fait pas assez cas, qui consiste à abuser sexuellement d’une personne lorsqu’elle est endormie et dont les coupables sont essentiellement des personnes proches des victimes.
Bénédicte Joan s’insurge contre toutes les formes de VBG tout en mettant un point d’honneur à la lutte contre les violences sexuelles : ‘’Nous voulons dire notre ras-le-bol face à la culture du viol, montrer que le chat noir est un viol et qu’on ne devrait pas en rire et surtout encourager à la conversation avec les personnes pour une ouverture de pensée en faveur des survivantes’’, confie-t-elle.
L’emplacement assez discret de la villa ‘’kotonga ‘’est un facteur clé qui rassure et crée un climat de confiance chez les victimes. Cette villa à l’allure de bureau est un cadre très confidentiel, sécurisant et propice pour briser le silence. Elle dispose en son sein d’un dortoir de 6 lits, réservés de façon exclusive aux victimes et avec éventuellement des enfants. Ce qui constitue en soi un minimum pour les personnes qui en ont réellement besoin, soutient Bénédicte Joan. Selon Madame Joan, les pensionnaires sont recueillis pour un mois maximum.
Des activités thérapeutiques au sein du centre
Outre l’accompagnement en ligne via l’application mobile, les victimes de VBG bénéficient d’une prise en charge gratuite à la villa Kotonga. Ce centre se veut purement holistique. Les victimes de VBG appelées « survivantes » participent à plusieurs ateliers et des sessions de formations. Le but étant de les accompagner sur le plan physique et psychique à travers notamment des activités psychopédagogique et thérapeutique.
D’abord, l’art thérapie, qui est un processus psychothérapeutique utilisant l’art ou la création comme outil pour faciliter l’expression et la résolution de conflits psychologiques ou émotionnels.
Ensuite, les ateliers psychothérapeutiques qui sont des espaces privilégiés pour l’écoute et la communication. Les survivantes mettent à nu leurs émotions, leurs sensations, les difficultés rencontrées dans un domaine spécifique etc.
Aussi, les groupes de parole qui sont une thérapie de groupe basée sur la parole et la libre expression. Ils ont l’avantage d’amener chacun des membres à apprendre des expériences des autres en leur permettant de partager les souffrances vécus.
A ceux-là s’ajoutent des cliniques juridiques et des séances avec les psychologues qui s’effectuent au moins une fois par semaine et se font généralement par consultances.
Par ailleurs, le centre est en étroite collaboration avec de nombreuses autres associations. Les actions du centre ne se limitent pas seulement au bien-être physique et psychique des personnes mais également aident à trouver un emploi à travers des formations.
Les défis et perspectives du centre
Le défi, c’est d’équiper totalement le centre dont le chantier n’est pas terminé. Le centre est ouvert aux dons en nature, en équipements, en vivres. Selon, la présidente du centre, le besoin de financement est constant ; ‘’ Certes, des partenaires et donateurs privés apportent une contribution à l’association mais nous fonctionnons majoritairement sur fond propre’’
Plaidoyers de la présidente à l’endroit du gouvernement
‘’Il est impérieux de faciliter le chemin juridique afin que cela se fasse beaucoup plus rapidement et de façon plus fluide pour les survivantes et survivants de VBG. Le circuit juridique quoique défini n’est pas forcément rapide ; cela prend énormément de temps… Certaines victimes attendent, certaines veulent passer à autre choses pendant que d’autres sont gagnées par une certaine lassitude. De plus, les honoraires des avocats coûtent chers. Et même dans les cas où il y’a des avocats commis d’office, un souci de disponibilité se pose ‘’.
Enfin, aux populations, aux survivantes, il est demandé de continuer à libérer la parole car il est important d’en parler et dénoncer tous les cas de VBG ; les mariages forcés, les mutilations génitales, les violences conjugales etc… ‘’ Nous assurons une protection des survivantes, qui jouissent d’une pleine confidentialité car nous respectons la relation de confiance qui nous lié aux victimes ‘’ a rassuré la présidente du centre.
Au total, c’est plus de 145 personnes (femmes, hommes, enfants) qui ont été assistées depuis la création de l’Association dont 62% de mineurs.
Victoire Kouamé
Lemediacitoyen.com
*Article réalisé dans le cadre de la campagne de communication sur les actions féministes dite campagne #Médiatisonslesvoixféministes initiée par l’ONG opinion éclairée avec l’appui de la Foundation for a Just Society et en partenariat avec Amnesty International Côte d’Ivoire.
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