« Le Crépuscule de l’Homme » de Flore Hazoumé : un roman-prophétique annonçant la pandémie du Covid-19 ?

Le crépuscule de l'homme

    « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.» nous enseigne le Christ dans le livre de LUC chapitre 20 verset 25. Quel lien cette sagesse biblique pourrait avoir avec le roman le « Crépuscule de l’Homme » de Flore Hazoumé ? Dans le contexte de l’épidémie à Coronavirus baptisé Covid-19 , déclarée pandémie depuis le mercredi 11 mars 2020 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), plusieurs médias occidentaux ont fait des rapprochements avec la littérature.

    A titre d’exemple, sur le portail numérique de la radio française France Culture Naomo Titti, jeune journaliste culturel, publiait le 17 mars 2020 un dossier intitulé « L’épidémie en littérature à travers 6 grands romans » pour démontrer la fécondité du thème de l’épidémie dans l’histoire de la littérature. La journaliste revient sur ces « écrivains-prophètes » qui ont fait du thème de l’épidémie un thème de leur création littéraire parmi lesquels on peut citer : Albert Camus, La Peste (1947) ; Jean Giono, Le Hussard sur le toit (1951) ; Marcel Pagnol, Les Pestiférés (1977) ; Jean Le Clézio, La Quarantaine (1995) ; Laura Kasischke, En un monde parfait (2009) etc.

 

    Ces auteurs qui ont le grand mérite d’avoir fait de l’épidémie un objet de création littéraire ,nous rappelle en ces temps de Coronavirus que la littérature est aussi selon le bon mot de Stendhal qui écrivait en épigraphe  du chapitre 13 de la première partie de son célèbre roman « Le Rouge et le Noir » qu’un « Un roman : c’est un miroir qu’on promène le long du chemin. Tantôt il reflète à vos yeux l’azur des cieux, tantôt la fange des bourbiers de la route.»       

    Rendons donc à Flore Hazoumé ce qui lui revient de droit : la qualité d’écrivain-prophète, le talent lui ayant été déjà reconnu par la critique. Dans les dernières pages de son roman « Le Crépuscule de l’Homme » publié en 2002 chez CEDA, Flore Hazoumé en 199 pages nous sensibilise sur les conséquences de la barbarie humaine en prenant appui sur la tragédie rwandaise.

    Plusieurs études (critiques littéraires et travaux scientifiques dont des articles et mémoires) ayant déjà mis en évidence le travail de mise en forme, une opération réussie d‘esthétisation de l’horreur, la stratégie d’écriture adaptée au contexte et au sujet non sans lien avec son grand talent dans ses dimensions historiques, politiques et sociales ; Allons donc à l’essentiel c’est-à-dire comment notre écrivain-prophète a abordé le thème de l’épidémie.        En effet, dans les 20 dernières pages (pp. 170 à 199) de son récit ,Flore Hazoumé nous fait la description d’une épidémie se développant dans les forêts sur les collines de la ville de Bunjalaba, à l’origine inconnue dont les symptômes sont « fièvre hémorragique, douleurs abdominales, vomissements. (…) Une forme de fièvre Ebola, pire que le Sida, plus virulente, plus douloureuse, plus fulgurante que le Sida et excessivement contagieuse » (pp. 171-172) Ne sont-ce pas là quelques similitudes avec le Coronavirus ? Du moins une pandémie. Continuons.

     Faisons la lecture d’un extrait « Les nouvelles étaient désastreuses. Une terrible épidémie, un virus inconnu, peut-être de la même famille que la fièvre Ebola avait décimé presque toute la population de l’Afrique, du nord au sud, en passant par l’est et l’ouest. »« L’Afrique, répétait sans cesse le journaliste de RFI, est devenue un immense cimetière. Cette maladie contagieuse s’est propagée sur tout le continent (…) Les soldats de l’O.N.U, vêtus de combinaisons et de masques, ont parcouru toute l’Afrique et n’ont trouvé survivant. » (p. 188).

S’il faut comprendre le style de l’exagération comme technique d’écriture, n’est-ce pas encore l’OMS qui appelait depuis quelques jours les pays africains à faire preuve d’anticipation en se  préparant au pire face à la progression du Coronavirus ?

    Mais le talent de Flore Hazoumé ne s’arrête pas là. Sa capacité visionnaire très féconde se perçoit surtout dans l’épilogue (pp.197-199) de son roman où elle déploie toute son imagination-prophétique. En effet, on y lit que James Cameron, jeune employé des Nations Unies en mission en Afrique contracte une maladie qu’il sous-estime. De retour à New York ce dernier ressent de violentes douleurs abdominales et des maux de tête. Son état empire malgré les soins de sa famille. Lisons : « On le transporta à l’hôpital. On lui diagnostiqua une fièvre hémorragique d’origine inconnue. Ses parents tombèrent malades, puis ses voisins. Les hôpitaux de New York furent submergés. Ce mal nouveau décima la population de la capitale en quelques semaines. Ce virus inconnu se propagea dans le monde entier : Shanghai, Tokyo, Toronto, Berlin, Paris, Vienne, aucun continent ne fut épargné. » (p.199) Quelle écriture prémonitoire pourrait-on s’écrier. Il ne resterait qu’à ajouter à la liste des villes infectées Milan, New York, Abidjan, Johannesburg et Ouagadougou. 

Le crépuscule de l'homme

     En espérant que nos autorités prendront toutes les mesures mêmes les plus drastiques pour nous protéger de cette pandémie ,il faut vivement souhaiter la réédition et sans doute la relecture, en ces temps de confinement et d’incertitude du chef-d’œuvre de Flore Hazoumé car au-delà de sa dimension prophétique il reste et demeure une réflexion profonde sur la condition humaine et l’avenir de l’humanité toute entière. Pour la chercheuse en littérature Aurélie Palud, l’épidémie est propice à des réflexions politiques et morales et son impact sur les rapports entre les hommes. La fin du roman « Le Crépuscule de l’Homme » nous interroge sur le sens, la portée et la signification de la « nouvelle humanité » composée de Babou, la femelle gorille et ses 2 enfants humains.

                         A quelle humanité, nous prépare   le coronavirus dit covid-19, la question est posée !

Une contribution de

SOSSIEHI Roche-Fabrice

Lemediacitoyen.com

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