
Les agricultrices représentent 43 % de la main d’œuvre agricole dans le monde selon l’ Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture ( FAO). En Côte-d’Ivoire, elles sont plus de 60%. Cependant , 75 % de ces femmes vivent en dessous du seuil pauvreté et sont confrontées à d’énormes discriminations. Une situation qui motive ONG et organisations féministes à déployer un pan de leurs actions en leur faveur.
« Un projet piloté par Jeunes Volontaires pour l’Environnement ( JVE) nous a permis de faire des compost et de la culture de tomates. A terme, cela nous a permis d’être autonomes. Certaines ont pu épargné et d’autres ont fait des emprunts de crédits pour développer d’autres activités » s’exprime avec satisfaction dame Kaba Sira .
JVE, est une ONG, engagée dans l’environnement, le développement durable et la justice équitable. Avec à sa tête Larissa Yapo, elle forme à l’agro- écologie, la lutte non violente et le changement climatique.
Pour une autonomie des agricultrices
D’autres organisations travaillent à rendre les femmes agricultrices autonomes et capables de participer à l’économie locale.
« Ce sont des actions à impact positif qui participent au bien être social de la femme rurale. Elles permettent d’affirmer notre leadership et de connaître nos droits », déclare Mme Boyo Josiane, présidente du Réseau des femmes braves de Côte d’Ivoire ( REFEB-CI). Ce réseau est implanté à Aboisso, une région située au sud-ouest d’Abidjan.

« Le REFEB-CI a mené plusieurs actions en faveur des femmes rurales notamment dans le domaine de la transformation de nos produits locaux, la fabrication de l’engrais bio, du compost. Les femmes produisent aujourd’hui sans engrais chimiques et fabriquent elles mêmes leur propre engrais », fait remarquer madame Brou Marie, membre et bénéficiaire des actions du REFEB-CI.
De façon concrète le REFEB-CI travaille à la transformation des produits agricoles. Les beignets appelés donuts, issue de la farine de manioc, les sirops et confitures dérivées de la transformation des fruits, constituent les produits phares de ce réseau.
L’objectif étant d’offrir de bonnes perspectives aux femmes de la région en vue d’aider à leur autonomisation.
Cependant, alors qu’elles assurent entre 60 et 80 % de la production alimentaire locale, les femmes du milieu rural sont confrontées à une très grande problématique : Celle de l’accessibilité aux terres cultivables. Elles n’ont généralement pas droit à la terre.
« Notre coopérative a eu un site qui nous avaient été attribué mais qu’on devait malheureusement rendre à la fin de la récolte ‘’ déplore Madame Kaba Sira.
Selon l’organisation des Nations Unis « si les femmes qui travaillent dans l’agriculture bénéficiaient du même accès aux ressources productives que les hommes, elles pourraient accroître les rendements de leurs exploitations agricoles de 20 à 30%, faisant augmenter de 2,5% à 4% la production agricole totale de leurs pays »
La Ligue, un engagement intersectionnel
« La terre représente la première ressource en milieu rural dont les femmes n’en disposent pas ou en disposent peu », soutient Marie Paule Okri, féministe, chargées des interventions sociales à la ligue ivoirienne des droits de la femme.
La ligue ivoirienne des droits de la femme, est une association féministe de défense des droits de la femme, engagée aux côtés des femmes, y compris celles du milieu rural. Depuis 2022, leur accompagnement se fait par la mise en place de coopératives agricoles, le renforcement de leur capacité et la promotion de leur travail.
C’est une action stratégique , pour permettre à ces femmes d’être financièrement stable, témoigne Marie Paule Okri car « œuvrer en milieu rural pour nous féministes c’est la continuité de nos valeurs. Nous touchons ainsi toutes les femmes peu importe leur statut social. C’est de l’intersectionnalité », assure -t-elle.
Marie Paule Okri par ailleurs agro-écologiste, a décidé de mettre ses compétences au service des femmes rurales.
« Je lutte pour les droits des femmes. Je sais les difficultés du monde rural vu que je suis de ce monde. C’est alors logique et légitime que je me positionne pour amplifier la voix de ces femmes »
Avec les agricultrices, Marie Paule Okri a travaillé sur des techniques comme la fabrication d’engrais ( Compost avec les débris organiques de leurs cuisines)et des pesticides organiques ( bouillie de cendre).
La question de l’accès à la terre
Aussi, avec ces femmes , elle revisite les pratiques endogènes qui ont tendance à être mises de côté du fait de la politique agricole de la Côte d’Ivoire.
Jugeant ces actions très bénéfiques, les femmes rurales estiment pouvoir s’affirmer en tant que femmes. Elles ont davantage confiance en elles surtout en matière de leur droit. Elles organisent des ateliers sur les procédures d’obtention de la propriété foncières afin d’éviter les expropriations abusives.
Pour Marie Paule Okri, ces braves et valeureuses femmes sont conscientes de leur potentiel. Mais, elle regrette l’absence de politique afin de déployer leur plein potentiel.
« Il faut des formations des plaidoyers auprès des organisations pour plus d’investissement dans les projets des femmes du milieu rural, introduire la question de l’accès à la terre auprès des bailleurs tels que l’AFPF (Access to Land for Women Project) » a t- elle conclut.
En effet, l’épineuse question de l’accès à la terre est l’une des violences économiques récurrentes en milieu rural. La loi 98-750 du 23 décembre 1998 , par exemple, confère à la femme, le droit à la terre. Mais cette disposition est difficile à adopter car contraire à certaines traditions. Pis, la loi demande de recourir à la coutume en cas de litige. Alors que selon des coutumes, la femme n’hérite pas de la terre. C’est une insuffisance qui viole l’égalité femme-homme.
Ainsi, la femme est au devant de l’exploitation terrienne, sans recevoir en retour, le droit de propriété. Il s’agit bel et bien d’un cas de violence économique faite à la femme. Et les organisations féministes restent vent débout sur la question.

Victoire Kouamé
Lemediacitoyen.com
Dossier réalisé dans le cadre de la campagne de communication sur les actions féministes en Côte d’Ivoire dit campagne « Médiatisons les voix Féministes », initiée par l’Ong opinion Éclairée avec le soutien de la Foundation for Just Society et en partenariat avec Amnesty International Côte d’Ivoire.
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