Non reconnaissance des semences paysannes. La souveraineté alimentaire en Afrique est plus que jamais une préoccupation des activistes. Ils se dressent contre les systèmes de brevetage qui excluent les semences paysannes. Réunis à Niamey, ces activistes ouest africains ont produit une Déclaration.
Déclaration de Niamey finale de la concertation entre acteurs pour la reconnaissance des systèmes semenciers paysans en Afrique de l’Ouest, le 08 avril 2021 à Niamey au Niger.
Nous, paysans (nes), Délégué (es) des Comités Ouest Africains des Semences Paysannes (COASP), du Réseau des Organisations Paysannes et des Producteurs agricoles d’Afrique de l’Ouest (ROPPA), des Associations, des ONGs nationales et internationales, des Points Focaux TIRPAA, des Défenseurs des droits humains, des Citoyens (nes) venus de sept (7) pays de l’Afrique de l’Ouest (Benin, Burkina Faso, Ghana, Mali, Niger, Togo et Sénégal) et de l’Afrique centrale (Tchad), participants à l’atelier de formation et de concertation pour la reconnaissance des systèmes semenciers paysans organisé par le COASP, du 06 au 08 Avril 2021, au Centre Régional Agrhymet de Niamey (Niger), faisons la déclaration dont la teneur suit :
Constatons que :
En Afrique de l’Ouest comme dans le reste du continent, malgré les multiples
agressions d’ordres climatiques, juridiques et économiques dont elles font l’objet,
les semences issues de la biodiversité naturelle, cultivées ou élevées, proviennent des systèmes semenciers paysans ;
Depuis toujours, les communautés paysannes développent et utilisent des espèces et des variétés qui répondent à leurs besoins par la sélection, la conservation et l’échange sans aucune forme de restriction ;
Les paysans et les paysannes, ont créé une grande diversité de semences qui s’adaptent bien aux conditions climatiques et écologiques locales ;
C’est donc dire que ce système semencier est dominant malgré l’appellation
péjorative de « système semencier informel » ;
Nous participant-e-s Notons que :
La semence ne peut être réduite simplement à ses aspects génétiques et technologiques et qu’elle implique de prendre aussi bien les considérations sociologiques, économiques, culturelles, cultuelles que politiques qui s’y attachent ;
Les semences représentent les identités de nos communautés, leurs médicaments, leurs nourritures et leurs souverainetés alimentaires.
Exprimons notre indignation face au pillage sans aucune forme de contrepartie des ressources génétiques et des connaissances des communautés paysannes par l’industrie semencière à travers les nouvelles biotechnologies notamment les séquençage génétique, et divers procédés d’appropriation privatiste du vivant tels que le brevetage et la certification.
Dénonçons la sous représentation/participation des organisations paysannes et des peuples autochtones dans les instances internationale, régionale et national de négociations et de discussions relatives aux enjeux semenciers ;
Fustigeons l’adoption de lois et des politiques qui entravent les droits des paysans à sélectionner, multiplier, échanger et vendre librement leurs semences paysannes ; Sommes préoccupés par le manque d’inclusion et d’efficacité des cadres juridiques semenciers occultant les semences paysannes qui représentent plus de 85 % des systèmes semenciers en Afrique.
Au regard de ce qui précède, nous participant-e-s
Rappelons l’obligation des Etats, au regard des engagements internationaux contractés, de reconnaitre, respecter et protéger les droits et les systèmes semenciers paysans pour la survie de l’humanité et la sauvegarde de la biodiversité et les invitons à :
Prendre les mesures appropriées pour reconnaitre et préserver les identités paysannes, la valeur économique et non économique de nos systèmes semenciers paysans, leurs contributions à la préservation de la diversité végétale et animale ;
Reconnaitre et soutenir l’agroécologie paysanne comme voie pour l’atteinte de la souveraineté alimentaire,
Reconnaitre l’importance, la résilience et les vertus de nos systèmes alimentaires locaux nutritifs, diversifiés, qui d’ailleurs, font leur preuve dans le contexte de la pandémie de la COVID-19,
En conséquence, nous participant-e-s recommandons :
Aux paysans et paysannes de l’Afrique de l’Ouest, de :
• Conserver, utiliser, échanger librement et de vendre leurs semences selon les mécanismes prévus par les systèmes semenciers paysans transmis de
générations en générations ;
• Protéger leurs connaissances, innovations et pratiques associées aux semences et ressources génétiques ;
• Participer à la prise de décision sur les questions relatives aux systèmes semenciers à tous les niveaux.
Aux Etats, de :
• Adopter et mettre en eouvre un cadre juridique spécifique pour la protection des systèmes semenciers paysans dans tous les pays et au niveau régional (CEDEAO etc) conformément à leurs obligations découlant des instruments juridiques internationaux pertinents tels que le TIRPAA, et la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Paysans et des autres Personnes travaillant en milieu Rural, la Convention sur la Diversité Biologique, le Protocole de
Nagoya ;
• Réorienter les politiques Semencières, Agricoles et Alimentaires vers l’Agro
écologie Paysanne tout en accompagnant les initiatives des organisations
paysannes œuvrant dans ce sens ;
• Assurer que l’information de séquençage numérique soit reconnue comme
une des ressources phytogénétiques et interdire les brevets sur les
séquences génétiques ;
• Renforcer les capacités de la recherche agricole sur les nouvelles évolutions
scientifiques afin de préserver efficacement dans les négociations les acquis
sur les droits des paysans ;
• Soutenir les points Focaux TIRPAA pour la mise en œuvre des dispositions
prévues dans cet instrument ;
• Demandons des espaces de concertations nationaux spécifiques sur les
systèmes semenciers paysans ;
• Reconnaître les critères propres aux paysan.ne.s et aux peuples autochtones
et leurs mécanismes de garantie de la qualité de leurs semences paysannes
pour leur libre mise en circulation ;
• Garantir la participation effective des paysan-nes dans les espaces de
décisions nationaux, sous-régionaux, internationaux ;
• Soutenir la diffusion des semences, des connaissances et les innovations
paysannes aux bénéfices des communautés ;
• Protéger nos systèmes semenciers paysans contre toute disséminations
d’OGM et Nouvelles biotechnologies hasardeuses.
Aux Institutions Régionales et sous Régionales (l’Union Africaine, CEDEAO, UEMOA,
CILSS, CORAF etc)
• Reconnaître et protéger dans le droit communautaire les droits des paysans
et les systèmes semenciers paysans.
• Soutenir les initiatives des Organisations Paysannes au niveau régionale
(ROPPA, COASP, etc) œuvrant dans la promotion de l’agroécologie
paysanne.
A l’endroit des organisations de la société civile de :
• Poursuivre le plaidoyer à tous les niveaux pour la reconnaissance et la
protection juridique des systèmes semenciers paysans ;
Fait à Niamey, le 08/04/2021Les participant-e-s
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