Portrait/Azata Soro : « Quand une a dit non, elle n’a pas dit oui »

Portrait d’une actrice, scénariste, réalisatrice et metteur en scène, devenue malgré elle, le visage de la violence faite aux femmes.

Du haut de son mètre 56, Azata Soro ne paye pas de mine et ne s’impose pas au premier regard. Il faut s’en approcher et l’écouter pour faire un constat indéniable : elle a de la graine et sait désormais où elle va.

Azata Soro est actrice scénariste, réalisatrice et metteur en scène dans le milieu du cinéma. Elle vient du Burkina-Faso et vit désormais à Paris. C’est dans la capitale française qu’elle a trouvé refuge après avoir été atrocement mutilée par le réalisateur Tahirou Tasséré Ouedraogo sur un plateau de tournage en septembre 2017.

 

Actrice, metteur en scène et scénariste, Azata a Soro se bat contre les violences faites aux femmes. 

 

Actrice, metteur en scène et scénariste, Azara Soro se bat contre les violences faites aux femmes

La vie d’Azata Soro est loin d’être un compte de fée. Sa mère a très tôt quitté ce monde et l’a laissée à la charge de son père aujourd’hui décédé. Née à Port-Bouëet,  commune balnéaire de la mégalopole ivoirienne, Abidjan, Azata continue de vivre dans le souvenir de cette mère qu’elle n’a pas connu. « Ma mère est mon interlocutrice privilégiée, je ne fais rien sans penser à ce qu’elle en dirait. Je l’emmène partout avec moi, elle est tout le temps en moi ».

En ce jour de saint-valentin, Azata Soro toute de rouge vêtue est rayonnante. La trentaine entamée, elle souligne qu’elle est « la fille du 4 janvier »  sa date anniversaire de naissance. Elle a toujours  le sourire et la sérénité de celle qui semble avoir vaincu un monstre. L’enfer, elle l’a vécu. Mais ce soir, elle a envie de tout oublier et d’exister. Mais, on ne peut pas parler avec miss Soro sans revenir sur cette journée du 30 septembre 2017.

De sa voix un peu perchée, elle raconte son calvaire dans le silence de cette nuit parisienne où les couples rentrent de leur diner d’amoureux.

« La veille de mon agression, j’ai été harcelée toute la nuit au téléphone par Tahirou Tasséré Ouedraogo, le réalisateur dont j’étais l’assistante sur une série intitulée le trône. Il faut souligner que depuis 2014, ce monsieur me harcèle sexuellement. A chaque fois, il me propose des rôles ou des postes dans ses productions dans le but de coucher avec moi. Au début, obnubilée par mon ambition d’être une professionnelle du cinéma, je me disais qu’il allait se calmer et comprendre que je n’étais pas là pour tourner d’autres scènes en dehors de celles que le scénario m’exigeait ».

Leger pivot de son profil pour se concentrer sur une question et là, on est face à l’énorme entaille sur sa joue gauche. Plusieurs centimètres de peau boursouflés qu’elle tente de cacher sous un sparadrap transparent à « usage spécial » selon elle.

 

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Lorsqu’elle évoque les humiliations subies comme la proposition de son silence contre une forte somme d’argent où ou encore la légère peine de dix-huit mois avec sursis dont a écopé son agresseur, son regard se noie dans l’espace et un flot de larmes jaillit sur ses joues. La passionnée de lecture qui a « dévoré » en une journée « les frasques d’Ebinto » un roman programmé pour les élèves de 3e  alors qu’elle n’avait que onze ans, retrouve instantanément son sourire.  

Cependant son regard devient fixe et dur et elle marque une pause. « Vous-même avez-vu que j’ai été contrainte de mettre mon téléphone sous silence pour finir cet entretien avec vous. J’ai repris ma vie en mains, je me bats pour exister, je ne veux être la figure de proue d’aucun combat, je veux juste qu’à travers mon témoignage que tous les hommes sachent que quand une femme dit non, elle n’a pas dit oui ».

Azata Soro
Azata Soro échangeant avec le journaliste de Lemediacitoyen.com

Azata Soro est désormais réfugiée en France et y a reçu un soutien de taille de la part de personnalités du monde des médias et de la culture. Sa vie c’est le cinéma.

Son agression semble loin derrière elle mais elle n’oublie pas et le martèle : « on ne peut oublier cette mutilation. Il a arraché avec une bouteille cassée une partie de moi. J’ai l’impression qu’il a pris en moi ce que je lui refusais, il m’a violé et je n’oublierai jamais ».

Etendant ses jambes couronnées par de belles bottines luisantes aux pieds, elle donne l’impression de camper un personnage en permanence. Elle taquine, donne son avis sur tel ou tel sujet et évoque les deux invitations qu’elle a reçues pour l’Egypte et le Sénégal.

Dans la Téranga, elle participera au festival « Films femmes Afrique » qui traitera cette année du harcèlement et de la violence faite aux femmes. Azata Soro, ne parts donc pas en terrain inconnu sur ce sujet.

Armand Ire, correspondant en France 

Lemediacitoyen.com 

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