Analyse/ Affaire « gringalet », l’injure en politique, pratiques et réception / Dr Agoubli Kwadjané Paul-Hervé

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Ce ne sont que quelques petites amabilités, n’embrasons pas le pays pour si peu. En 2017, les saillies de la sorosphère avaient soulevé l’ire de la République; en effet, Félicien Sékongo avait laissé traiter le Président de la République de « père indigne ». Mis en quarantaine, Zié Konaté a désormais toute la retraite de son chômage pour réfléchir à son déficit d’éducation. Depuis, on a la paix de ce côté là, n’est-ce pas?

Plus proche de nous dans le temps, la Ministre de l’éducation nationale avait traité des cadres du PDCI de politiciens alimentaires, M. Bictogo enfonçant le clou s’était amusé des allures trop policées de Jean-Louis Billion, de ses dehors trop apprêtés sans doute, lui réservant le qualificatif de 《Politicien de salon》. Le mis en cause en avait ri, ses soutiens aussi se moquant sans doute du décallage du sujet énonciateur ; on avait avancé.
Comme on le voit, la tradition de l’injure en politique, de l’injure politique est bien établie en Côte d’Ivoire; de Félix Houphouët-Boigny traité publiquement de voleur à Henri Konan Bédié, le soiffard, l’ivrogne comme on l’a dépeint après le putsh de 1999; en passant par Laurent Gagbo le fou, le boulanger, les Ivoiriens savent y faire dans la caricature et dans l’invective. On aurait attendu une réception moins houleuse du genre désormais. Or voici qu’un mot : 《gringalet》, vient troubler le sommeil des populations.

Ce qu’il y a d’amusant dans la séquence actuelle, c’est la curieuse similitude entre le charabia de Michel Gohou utilisé pour tenir lieu d’insulte et la découverte semble-t-il d’un mot que certains ne connaissaient pas. Ce qui fait mal, ce n’est pas l’injure en elle-même (M. Bictogo si c’est de lui qu’il s’agit ne remplit pas toutes les conditions sémiques pour être un gringalet), c’est plutôt le caractère cinglant, inattendu et peut-être outrecuidant (je le concède) de la saillie. Sur ce point,《Gringalet》 est un rappel des fameux 《Macrocéphale》, 《Bougre d’andouille》employés à tout va par notre Gouhou national : combien d’entre nous n’en découvrent pas les orthographes?

Mais sinon, plus sérieusement, depuis les fameuses études de Thomas Bouchet #Noms d’oiseaux… l’insulte en politique et de Bruno Fulgini, #Petit dictionnaire des injures politiques, on a relativisé ce que l’analyse du discours considère comme un genre discursif à l’intérieur du discours politique. Freud nous l’apprend, écoutons-le : 《Le premier humain qui lança une injure au lieu d’une pierre fut le fondateur de la civilisation 》. Alors quiconque veut fourbir ses armes et monter au front sait de quel côté de la civilisation il s’encaserne s’il tient une « injure politique » pour une déclaration de guerre. C’est proprement surréaliste!
Il est vrai toutefois que toute cette agitation est révélatrice d’une chose : le niveau de culture. Il est si bas, qu’on ne peut pas reprendre ici les conclusions de Bruno Fuligini car de Victor Hugo (« Napoléon le petit » à propos de Napoléon III), à Chateaubriand en passant par Jaurès pour aboutir à Ségolène Royale (se moquant de François Bayrou), à Rama Yade (« la bêtise insiste toujours » répondant à Vanessa Burggraff) à Chirac et à Mélenchon (« Capitaine de pédalo » pour François Hollande), c’est avec une langue exquise qu’on a titillé l’autre. L’humour, le bel humour, la taquinerie sont ainsi la loi du genre. Si Jean-Marie Le Pen, un peu grivois, s’était ri à demi-mot d’un certain 《baiseur casqué 》, beaucoup d’autres ont choisi la prétérition, l’antanaclase, les calembours, l’antiphrase… pour dénoncer les travers d’adversaires politiques.

Or que faisons-nous,-nous ? N’insultons-nous pas jusqu’aux génitrices de nos adversaires, leur crachant toutes sortes d’insanités pour tout slogan de meeting? Dès lors, on peut comprendre que leurs moindres remarques en retour sonnent comme le révélateur de nos propres excès. De grâce, nous venons de faire la fête, peut-on cuver en paix? Tout ce qu’on attend, ce sont les projets. Au travail Mesdames et Messieurs ! Élevons le niveau, ce pays qui compte le plus d’intellectuel au km2 le vaut bien.

Par Dr Agoubli Kwadjané Paul-Hervé

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