Enquête / Travail indécent,  le calvaire des  aide-ménagères  à Abidjan (suite)

Enquête / Travail indécent,  le calvaire des  aide-ménagères  à Abidjan (suite)
L'ADDAD fait de La ratification de la Convention 189 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) son cheval de bataille.

    Le travail domestique est source de relations parfois  tumultueuses entre employeurs et employées.     Cependant, les spécialistes évoquent les voies de recours possibles tout en insistant sur le plaidoyer de la Convention 189 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).

     « Dès que nous sommes saisis d’un différend entre employeur et employée, nous prenons contact avec les deux  parties pour écoute et règlement amiable du différend qui les oppose. En cas d’échec, si nous estimons que, l’employée est victime d’abus de la part de son employeur, nous portons le litige devant l’inspection de travail  pour une seconde tentative de conciliation des  deux  parties. Pour cela, une première convocation de l’inspection de nous est remise pour l’employeur, celle-ci peut lui être remise soit par l’employée, soit par le service de l’association commis à la tâche », affirme Gnepoh Roger  Courtois, président de l’Association caritative chrétienne d’Afrique (ASCAF).

    Après quoi, une rencontre entre l’employeur et l’employé est organisée par l’inspection de travail. Cette initiative peut aboutir à un règlement amiable au bout duquel, l’employé(e) reçoit ses indemnités de licenciement.

      « Mais si  cette étape échoue, alors nous saisissons le tribunal de travail, qui tente dans un premier temps de concilier les deux  parties et c’est l’échec de cette dernière initiative qui entraine la condamnation au paiement des droits de licenciement et dommages et intérêt à l’employé (e) abusivement licencié (e) par le tribunal de première instance. Ce processus peut continuer jusqu’à la cour de cassation, mais notre association parvient à trouver une issue favorable aux différends entre employeurs et employés domestiques soit à l’amiable au domicile de l’employeur ou devant l’inspecteur de travail soit au tribunal de travail », précise le président de l’ASCAF.

     Il estime que la Formation d’une  main d’œuvre qualifiée pour dispenser des services de qualités peut non seulement contribuer à la formalisation et à la professionnalisation du secteur d’activité, mais aussi contribuer à la création d’un nombre suffisant d’emplois domestiques décents.

L’avis des spécialistes

      Pour en savoir davantage sur les recours en cas d’abus, nous avons rencontré Maitre Carolle Kacou, juriste dans un cabinet de la place. Elle explique que « Pour parler de contrat de travail il faut la réunion de trois éléments  la prestation de travail convenue, la rémunération et le lien de subordination. Le contrat peut être écrit ou verbal selon sa nature. La résiliation du contrat de travail est prévue et règlementé par le code du travail. En cas de rupture un préavis en principe obligatoire pour la femme de ménage comme pour l’employeur.  Selon l’article 16.4 du code de travail le préavis est donné par la personne qui prend l’initiative de la rupture. La femme ménagère licenciée au mépris peut contester le licenciement elle pourra soumettre le différend qui naitra à l’occasion de la rupture de son contrat à l’inspection du travail et des lois soumises pour règlement à l’amiable ».

        En cas d’échecs, le différent sera porté devant le tribunal du travail. Il faut noter qu’en cas de faute lourde, la rupture peut intervenir sans préavis. La juridiction compétente est la seule a habileté déterminé  la gravité de la faute. «  Les femmes ménagères font  partie de la société, mieux elles sont la société. Elles ont le droit de faire valoir leurs droits en cas de litiges. La procédure peut durer trois mois et même plus, car une fois le tribunal du travail en ressort une décision de justice, cela en vertu des voies de recours à savoir l’appel et le pouvoir en cassation dont a partie adverse dispose », précise la juriste Namey Anne Michelle Sera. Les femmes ménagères bénéficient donc de recours judiciaire malgré le type de contrat (Verbal ou  écrite).

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     La centrale syndicale Humanisme prévoit de suivre ces filles si elles sont organisées en syndicats, membres de la centrale. C’est ce qu’ ‘indique Kouassi Ekoun, syndicaliste à la centrale syndicale humanisme.  « Il faut faire partie d’une association légalement reconnue par l’Etat. Nous vérifions les récépissés de dépôt, les cartes d’adhésion de leur association, avant de défendre le cas », mentionne-t-il.

La proposition de loi Adjaratou rangée au placard

     Un projet de loi fixant les conditions du travail domestique et portant organisation des agences de placement a été proposé le mardi 8 juillet 2014 par la député Adjaratou Fadiga Traoré. La proposition de la députée de la commune de Koumassi a été adoptée par la commission des affaires sociales et culturelles de l’Assemblée nationale. Cette loi, si elle était définitivement entérinée par le parlement, aurait encadré le travail domestique et protégé les employées contre les abus des employeurs. Trois avancées nobles : amélioration de la rémunération de base de la travailleuse en la faisant passer au salaire minimum (SMIG) 63 000 FCFA, mise en services d’une agence nationale des services à la personne chargée de coordonner l’action de l’Etat en faveur du secteur du travail domestique, simplification des procédures d’embauches et de déclaration.

     En outre, la loi obligeait  la déclaration du personnel de maison à la caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS). Mais le projet de loi a été retiré officiellement  par son initiatrice, la députée Adjaratou. Cependant selon un ex assistant parlementaire de l’époque, le retrait aurait été imposé. « La députée était surprise lorsque la vice-présidente de l’Assemblée nationale a annoncé qu’elle retire la proposition. Ce retrait est un langage diplomatique. Cela veut dire que le texte ne va plus revenir ».

     Une partie de l’opinion, peu sensibilisée sur les conditions de vie et de travail des filles de ménage, s’est ri de la proposition Adjaratou, trouvant exorbitants les montants proposés. Peu habituée, certainement, à voir une fille de ménage convenablement rémunérée ou encore bien traitée au point d’accepter cette indécence comme la norme. 

Aide-menagères, enjeu de luttes sociales

      Certaines activistes comme l’ivoirienne Sylvie Fofana, engagée pour les droits des filles de ménages ont mal digéré le retrait de cette proposition. Selon les données recueillies auprès de l’ASCAF, sur une population de 5 600 000 habitants, le district d’Abidjan compte environ 1 000 000 de femmes ou filles de maison sur un total de plus de 2 500 000 filles âgées de 13 à 45 ans, faisant  le nettoyage, la cuisine, le jardinage, la collecte d’eau, la surveillance des enfants ou les soins aux personnes âgées, etc.  Elles travaillent dans des conditions médiocres et sans aucune protection juridique. 

     Plus de la moitié travaille davantage d’heures que les autres travailleurs et ne jouissent pas des mêmes droits au repos hebdomadaire que les autres travailleurs. Plus de 80% de travailleurs domestiques ont un salaire inférieur au SMIG ivoirien. Et moins de 10% sont déclarés à la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS). Environ 3% des travailleurs domestiques ont reçu une formation dans le district d’Abidjan Face à cette situation.   

  L’Etat ivoirien gagnerait à dépoussiérer la proposition de la loi Adjaratou en faveur des filles de ménages. La ratification de la Convention 189 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) relative à un travail décent aux travailleurs domestiques et qui favorise le respect intégral des droits des  travailleuses domestiques s’avère également  nécessaire.  La Côte d’Ivoire fait partie des mauvais élèves.

      En effet, en dehors de la Guinée Conakry, aucun pays de la sous-région n’a ratifié cette convention. L’Association de Défense des Droits Aides Ménagères et Domestiques fait de cette ratification, son cheval de bataille. Un forum sous régional est même annoncé pour les 11 et 12 avril 2019 à Bingerville, à cet effet.

 

Marina  Kouakou

Lemediacitoyen.com

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