Fact-checking/ 50 000 personnes déclarées vivant avec le VIH disparues des radars en Côte d’Ivoire ? Chiffre incomplet !

Une capture d'écran de la publication objet du présent fact-checking (LMC)

Le 16 mai 2019, la nouvelle envahit la toile ivoirienne. « 50 000 personnes déclarées vivant avec le VIH ont disparus des radars en Côte d’Ivoire. On ne les retrouve plus. Notre pays est donc obligé de remettre urgemment à jour la base de données des personnes séropositives pour plusieurs raisons (…) » lit-on ce jour-là à maintes reprises dans divers groupes d’influences. Information ou désinformation ? Lemédiacitoyen.com a effectué des recherches.

D’où provient l’information ?

Première étape. Nous entrons dans le moteur de recherche Facebook, ‘’ VIH des personnes disparues des radars en Côte d’Ivoire ‘’. Plusieurs publications de différents profils s’affichent.  La plupart d’entre elles relaient une publication provenue de la page Facebook de Stephie Joyce, journaliste culturelle de renommée en Côte d’Ivoire

 Cette publication qui a fait l’objet de 439 partages a été mise en ligne le 16 mai 2019 

Sur le moteur de recherche Google, nous entrons « porteurs de VIH disparu des radars en Côte d’Ivoire ». Il n’y a aucune trace. Pas d’article de presse, ni de document numérique à ce sujet.

Avec le même procédé, nous retrouvons une publication suivie d’un lien Facebook comme pour compléter l’information sur twitter. Elle est également de Stephie Joyce.

Contactée via sa messagerie Facebook pour en savoir plus, le 14 juin 2019, l’auteure de la publication répond quatre jours après qu’elle a obtenu ces données au cours d’un séminaire organisé dans le cadre de la lutte contre le VIH en milieu LGBT (les Lesbiennes, Gays, Bisexuels, et Transgenres). « (…) J’ai eu les informations lors d’un récent séminaire organisé dans le cadre de la lutte contre le VIH en milieu LGBT. (…) Laissez-moi chercher les liens car je n’ai pas mon carnet de notes au bureau. Faut que je rentre à la maison pour le récupérer », a-t-elle répondu.

Toutefois, lemediacitoyen.com  effectue des recherches en ligne. Sur les sites internet de ces différentes institutions que sont le ministère ivoirien de la Santé, l’OMS, l’Onusida aucune donnée relative à la disparition de porteurs de VIH en Côte d’Ivoire n’est disponible.

Par ailleurs nos démarches pour joindre l’Onusida afin de vérifier les données sont restées vaines.  Au ministère ivoirien de la Santé et à la représentation de  l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à Abidjan,   des courriers à la demande de ces institutions ont été déposés le 18 juin 2019 avec accusé de réception.  Ces courriers ont été suivis de relances téléphoniques sans succès.

Nous n’obtiendrons pas de liens de Stephie Joyce comme elle avait promis. Tout de même, la journaliste nous revient et nous met en  contact avec Djah Collins,  journaliste et membre du Réseau des Professionnels des Médias, des Arts et des Sports engagés dans la lutte contre le Sida et les autres pandémies en Côte d’Ivoire (REPMASCI). Il est le point focal média pour l’organisation de l’activité.

Lorsque ce dernier est contacté par téléphone le 26 juin 2019, il affirme que : « lors du séminaire, le formateur a dit qu’il y avait environ 50 000 personnes déclarées vivant avec le VIH disparues des radars. Ces études avaient été réalisées dans le Sud Comoé à Aboisso par le PNLS (Programme National de Lutte contre le Sida). Je te reviens pour le chiffre global, j’ai contacté quelqu’un au suivi et évaluation. Ils sont en ce moment en réunion pour la finalisation ».

 50 000 porteurs de VIH disparus, un résultat partiel

Deux jours après, c’est-à-dire le 28 juin, M. Collins recontacte lemediacitoyen.com. « Le responsable au niveau du suivi et évaluation au PNLS m’a appelé.  Il dit que le résultat qui révèle la disparition des radars d’environ 50 000 porteurs de VIH est partiel et a été fait au Sud Comoé.  Ils n’ont pas encore globalisé  les résultats parce qu’il y a toujours des équipes sur le terrain.  Ils sont encore en atelier. Quand chaque équipe fera son point, ils vont globaliser et donner les chiffres officiellement ».

Lorsque nous souhaitons avoir le contact du responsable chargé de suivi et évaluation du PNLS, notre interlocuteur répond : « Il ne veut pas qu’on donne son contact.  Il ne veut pas être contacté par un journaliste parce qu’il n’a pas de données fiables sous la main.  Comme nous travaillons avec eux depuis au moins 10 ans, il nous communique les informations que souhaitent avoir les confrères et nous les communiquons ».

 On récapitule :                                  

 Sur ses pages Facebook et Twitter le 16 mai 2019, Stephie Joyce, une journaliste de renommée en Côte d’Ivoire publie que :

 « 50 000 personnes déclarées vivant avec le VIH ont disparus des radars en Côte d’Ivoire. On ne les retrouve plus. Notre pays est donc obligé de remettre urgemment à jour la base de données des personnes séropositives pour plusieurs raisons (…) ».

Cette déclaration est reprise en boucle sur les réseaux sociaux. Les recherches numériques ne livrent pas de liens sur ces chiffres,  autre que la publication de Stephie Joyce. Jointe par votre média, la journaliste affirme détenir ces données d’un expert  à l’issue d’un atelier organisé par l’Ong Alternative Côte d’Ivoire. Nos démarches auprès des structures de santé (OMS, ministère de la Santé) n’ont pas obtenu de réponses.

Djah Collins, journaliste et point focal média pour la structure organisatrice de l’atelier n’a pas permis un échange direct avec le responsable du suivi-évaluation. Toutefois, il a rapporté que le résultat qui révèle la disparition des radars d’environ 50 000 porteurs de VIH émane du Programme National de Lutte contre le Sida. Il a affirmé que ce chiffre est partiel et provient d’études réalisées dans le Sud Comoé, au Sud-Est  ivoirien.

Conclusion : Sur la base des recherches effectuées et des déclarations de Djah Collins, point focal média pour le PNLS, le chiffre de 50 000 porteurs de VIH disparus ne concerne pas toute la Côte d’Ivoire mais  plutôt le Sud Comoé. C’est un chiffre partiel. La publication de Stephie Joyce ne précise pas qu’il s’agit du Sud Comoé mais mentionne la Côte d’Ivoire.  Ce qui peut induire en erreur.   

Marina Kouakou

Lemediacitoyen.com

 

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