Reportage/ Penchant pour la viande de porc, Yopougon, la petite histoire du  ‘’Gabi Chaud’’

Cet hangar qui sert au commerce de la viande de cochon à Yopougon Siporex a été construit en 1973(LMC)

     La commune de Yopougon abrite son premier hangar de vente de la viande de porc depuis 1973. C’est de cette maison mère que sont partis les autres sites de vente de la ville d’Abidjan. Cette viande prisée par une bonne partie de la population est également sujet de préjugés divers. Le reporter de Lemediacitoyen.com a posé vos questions aux acteurs.

 

     Franck Assemien,  35 ans,  vient ici à « Gabriel Gare »   presque tous les midis pour acheter sa viande de porc. « A la moindre opportunité je n’hésite pas à m’en procurer », affirme-t-il tout sourire ce 9 octobre 2019.

  L’indication « Gabriel Gare » désigne la gare routière à proximité du hangar qui abrite le commerce de la viande de porc. Un autre sobriquet est donné à cette viande : le « gabi chaud ».

    Viande fraiche, Frite, grillée, ou dans la soupe. En tous cas  toutes sortes de recettes sont au choix. Élèves, étudiants, travailleurs, …les couches sociales diverses se donnent rendez-vous au « carrefour porc », une autre appellation du coin. En attendant de se faire servir, toujours ce 9 octobre, des consommateurs devisent. De leur dialogue, on les entend hésiter sur le nombre de morceaux à commander. « Nous pouvons prendre trois morceaux ?   Non, deux suffiront »

    Comment le service se fait-il ? Pour le client qui veut de la viande fraîche, il n’y a pas assez de temps à perdre. Mais si vous voulez de la viande préparée, il faut patienter quelques minutes. Cela, surtout lorsqu’on ne trouve pas de viande précuite sur l’étal. Quand arrivent les morceaux de viande, c’est à une véritable bataille qu’assiste votre journaliste. Les clients se bousculent, impatients qu’ils sont de se faire servir en priorité.

     « Les personnes les plus  abonnées du coin sont les jeunes. Ils achètent le plus et en retour envoient leurs connaissances au fur et à mesure et ces dernières restent des habituées du coin », nous confie une  vendeuse, visiblement affairée. Il est difficile d’arracher des mots à ces commerçantes concentrées dans le marchandage avec les consommateurs.

       Un commerce de mère en fille

       Pour percer le mystère de cette viande si prisée, nous nous tournons  vers Antoinette Fayé sur les lieux. Elle est la  présidente de la coopérative des vendeuses de porc de Gabriel Gare. La vente de la viande de porc lui a été transmise par sa mère. C’est une histoire de famille.

       « Le commerce est ma vie, après ma mère je prends la relève pour pouvoir subvenir à mes besoins. Cela me plait d’être commerçante, car dans la vie il faut se battre et apprendre à travailler,  ce n’est pas dans les bureaux qu’on peut toujours gagner son pain quotidien », raconte-t-elle.   Et d’ajouter par la suite «  Le porc est une bonne viande qui doit être consommé. Certaines personnes refusent de manger car pour elles, cet animal est sale. Mais moi, je dis non, toute chose s’entretient et la viande de porc est une viande blanche ». Selon elle, la viande de porc est la plus moins chère mais après la guerre de 2010-2011, tout a changé. Pour dame Antoinette Fayé, le prix de la viande de porc a augmenté car le kilogramme est passé de 500 F à 2000  Francs Cfa.  Malgré ce changement, la consommation continue.

 

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       Pour ceux qui ne le savent pas, dans les plaisanteries ivoiriennes, cette viande est associée à l’ethnie guéré (issue de l’ouest ivoirien). Le constat est que nombre de vendeuses sont de cette ethnie. Nous avons donc posé la question à notre interlocutrice, Mme Fayé, elle-même guéré. Une question qui l’a fait pouffer de rire dans un premier temps.

         Puis, elle livre tout de même son regard sur cette réalité. « Ce n’est pas forcément les femmes guéré qui peuvent vendre la viande, tout le monde peut le faire, mais je pense que  c’est Dieu qui en a décidé ainsi, quand on va au marché  les femmes dioula vendent le poisson, les femmes bété, l’éponge . Le bangui est comme une affaire des femmes baoulés, la liqueur, celle des femmes agni, au marché gouro, ce sont les femmes gouro qui vendent le piment, je pense que c’est la volonté de Dieu.  C’est lui qui a partagé ce commerce ainsi, donc la remarque que vous avez faite est vraie mais cela n’empêche pas  les autres ethnies à venir travailler». La plupart des femmes qui font le commerce du porc dans les différents préaux ont été formées par les femmes de Gabriel gare. 

       Si cette viande blanche nourrit aussi bien consommateurs que vendeuses et vendeurs, elle reste exposée à des préjugés divers. Des personnes interrogées ont des avis variés. « J’aime la viande de porc, je ne comprends pas pourquoi certaines personnes refusent de manger. Moi, particulièrement je ne peux pas faire une semaine sans déguster cette viande », soutient Charles Voli Bi Tah Habib en pleine dégustation du porc au four. « D’autres disent que ça ne porte pas la chance pourtant les chinois en mangent et ils restent  toujours la première puissance économique», argumente-t-il avec fierté.

       Un autre consommateur interrogé requiert l’anonymat. A l’en croire, il en mange à l’insu de ses parents. Les pourfendeurs de cette viande, en dehors des raisons religieuses,  mettent en avant la question de l’hygiène. Vivant, le porc a tendance à traîner d’où l’expression « sale comme un porc ». Mais cuisiné dans des conditions d’hygiène, peut-on encore le taxer de « sale » ?

     Tout compte fait, à Abidjan, capitale économique de la Côte d’ivoire, le commerce du porc rencontre un véritable succès. Ce succès a motivé  la coopération française à construire des préaux dans des différents quartiers en vue d’envoyer les femmes à travailler à leur propre compte et permettre ensuite à la population de consommer la viande de porc.

    Notons que Gabriel gare existe depuis 1973, c’est le premier site qui a fait des racines dans les autres communes. Il est le baobab qui a poussé des racines.   En 1989, la Société de développement et d’exploitation des productions animales (Sodepa) a fait une étude sur les bienfaits de ce commerce et a construit ce marché. Le lieu a été inauguré le 05 juillet 1990. Apres cette initiative, un abattoir de porc a été construit à la zone industrielle, à Abobo,  à Koumassi, presque dans toutes les communes d’Abidjan en 1990. Depuis lors, au coin des rues, dans les marchés de nuit on trouve de petits vendeurs.

     Aujourd’hui, des restaurants modernes se spécialisent dans le porc, rivalisent dans les recettes. Ils livrent même à domicile. Mais le travail a commencé ici, à Gabriel gare de Yopougon siporex.

  Ruth Assoko (stagiaire)

 Lemediacitoyen.com

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