« CNSER, faire la politique de l’Ecole aujourd’hui pour faire réussir la Côte d’Ivoire demain »Une contribution de Mamadou Touré (MT)Vice-Président du CNSER
La violence apparaît sous diverses définitions : « actes volontairement commis aux dépens d’une personne et qui, suivant les circonstances constituent un délit… »; « Une agression physique ou morale exercée sur une ou plusieurs personnes », enfin « l’ensemble des actes délictueux commis dans un lieu ».
C’est précisément à cette dernière acception que nous nous intéresserons dans notre tentative de comprendre la violence en milieu scolaire en Cote d’Ivoire, surtout celle dont souffrent, en silence, les enseignants qui sont de plus en plus visés.
Rappelons quelques faits marquants, sans prétendre à l’exhaustivité : Tiassalé, année 2000, un enseignant du lycée moderne est battu et mis à poils à midi, devant le portail principal de son établissement. Koumassi, année 2002, une enseignante du lycée moderne est prise à partie par une horde d’élèves. Elle est déshabillée en classe et ses objets personnels emportés. Korhogo, 2018, une enseignante de français du lycée moderne est terrassée en 1ere A par une élève, sous le regard complice d’une classe qui hilare, Niakara : juin 2019, une enseignante du primaire est battue et mise à nu. Daloa, les années scolaires passent et se ressemblent. Le dernier fait en date, une professeure d’EPS du Lycée Moderne 3 de Daloa a été taillardée à la machette par des microbes, le mardi 15 octobre dernier, dans la cour de son établissement. Au Groupe Scolaire Cocody, dans la même semaine, un agent de la police nationale se disant officier a bastonné et menacé de mort une des deux directrices de ladite école.
Toutes les régions du pays sont concernées par cette violence aveugle qui s’abat sur les enseignants, et cela va de la simple menace verbale à une attaque physique en règle.
Le phénomène est en voie de généralisation, depuis plus d’une décennie, sur l’étendue du territoire. Il ne se passe pas un mois sans que soit signalé un cas de violence dans le milieu scolaire, et de plus en plus, à l’encontre des personnels enseignants, d’encadrement ou administratifs.
Il y a quelques années, avant l’arrêté N° 0075 /MEN/DELC du 28/09/2009 portant « INTERDICTION DES PUNITIONS PHYSIQUES ET HUMILIANTES », seuls les élèves avaient à craindre de la violence, des brimades et des maltraitances de la part d’adultes. Et il est vrai que certains enfants y ont laissé la vie.
Mais, depuis, le vent semble avoir tourné, et les adultes sont désormais acculés.
C’est pourquoi, le 02 Avril 2017, 83 responsables de l’éducation nationale et de la municipalité de Bouaké se sont réunis en atelier, pour plancher sur le thème : « la violence en milieu scolaire en Cote d’Ivoire : le cas de Bouaké ». Prenant la parole, M. Pongatié Abraham Sanogo, Directeur régional de l’Education Nationale a tenu des propos dont la sincérité mérite d’être partagée : « Si l’ambiance n’est pas bonne à l’école, c’est que nous-mêmes (responsables du système), nous sommes incapables d’apaiser le système éducatif » . Un tel aveu, venant d’un acteur majeur de l’éducation nationale indique bien la part importante de responsabilité que doivent prendre les adultes dans la gestion de ces crises à répétition. A t-il été entendu? Rien n’est moins sûr, car le 02 Février 2018, les mêmes responsables étaient encore en conclave à Bouaké. Les réunions n’y changeront rien.
On pourrait citer pèle-mêle les causes de ces violences mais elles se résument à ces quelques points d’observation :
La démission des parents du processus d’éducation de leurs enfants, les infrastructures scolaires dépassées et inadaptées, les effectifs pléthoriques dans les classes, l’absence d’enseignants dans certaines disciplines, l’insuffisance de personnel d’encadrement, les pertes de valeurs morales et l’absence de modèles à suivre, la tricherie et la corruption comme moyen d’ascension sociale, l’impunité et la promotion de délinquants politiques, la violence familiale, le manque de formation palliative pour les déscolarisés, le chômage de la jeunesse et le manque de perspective, l’injustice criante entre les établissements dits d’«excellence » et les autres qui sont les parents pauvres d’un système éducatif qui cherche lui-même ses répères.
Face à la récrudescence de ces violences contre les enseignants, le Comité National pour la Sauvegarde de l’Ecole de la République (CNSER) voudrait marquer son indignation devant le laxisme des autorités dans le traitement de plusieurs cas de violences surtout sur les enseignants et le personnel administratif des établissements.
Le CNSER exige que des enquêtes soient diligentées pour que les responsabilités soient situées et les coupables punis conformément à la loi.
Le CNSER demande aux autorités administratives de prendre toutes les dispositions nécessaires aux fins d’assurer la sécurité de toute la communauté scolaire (enseignants, personnel administratif et d’encadrement, élèves) dans tous les établissements scolaires sur toute l’étendue du territoire national.
Le CNSER propose également de restaurer l’image du maître, du professeur, par une formation plus rigoureuse ; revenir partout au RESPECT du « règlement intérieur » dans chaque école, car c’est un peu la constitution de nos établissements ; impliquer les parents dans les processus d’apprentissage, et non les considérer comme des vaches à lait ; créer un cadre de communication et d’échanges entre élèves et enseignants, en prenant en compte leurs desiderata légitimes ; sanctionner fermement et publiquement les inconduites des élèves, et faire de la pédagogie auprès des autres ; récompenser et encourager publiquement les plus méritants pour inciter à la saine émulation ; donner aux élèves moins brillants des moyens supplémentaires de réussite ; mettre l’école au cœur de la société et des priorités gouvernementales et cela sans démagogie.
C’est à un engagement renouvelé de notre responsabilité de parents, d’adultes et de formateurs que nous en appellons. Nous avons le devoir de montrer le chemin à nos enfants, c’est à eux que nous lèguerons le monde de demain. Une jeunesse bien formée, assise sur des valeurs républicaines, c’est l’avenir du monde. Avons-nous le choix ? Terminons par ces mots de Hannah Arendt :
« Si nous ne leur transmettons pas le monde, ils (les jeunes) le détruiront »
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